Exploration nocturne [ Årghann - Libre ]

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Nuit du 20 au 21 Septembre
00h07

La voix de la princesse n'était plus qu'un souffle. De quelques pas habiles, elle avait devancé son compagnon et s'était glissée au dehors de la salle commune des Kiah'l. Le château, sombre et froid dans la nuit de Septembre, s'offrait à eux. La jeune fille sourit dans la pénombre. C'était presque... plaisant. Les couloirs, la nuit, lui faisaient l'effet des noires mines de son Royaume. Elle se sentait en terrain presque familier. Et puis, partir en quête d'un nouveau mystère, à la découverte de l'Inconnu, n'était-ce pas la seule raison capable de la sortir de sa coquille ?

La jeune fille se déchaussa, prenant délicatement ses pantoufles dans ses doigts fins. Ses pieds nus refroidirent sa température corporelle, mais elle n'en eut cure : son ouïe travaillait avec merveille lorsqu'elle s'aidait des vibrations de la terre, qu'on pouvait percevoir faiblement à travers le carrelage. Si ses yeux y voyaient comme en plein jour, elle n'en avait presque pas besoin dans cette situation. Aussi elle les garda mi-clos et commença à avancer, marchant d'un pas étrange – posant d'abord le talon sur le sol, puis tous les petits doigts, délicatement; avant de se propulser, par ce pied déjà posé, jusqu'à la prochaine dalle, où elle poserait l'autre pied.
Ainsi de suite, d'abord lentement, puis prenant de la vitesse jusqu'à atteindre un pas très discret, mais aussi rapide qu'une petite course.

Sans trop savoir où aller, Perce-Neige se laissa guider vers les cachots, sans échanger trop de paroles avec son compagnon. Le bruit venait certainement de là; elle l'entendit encore une fois, plus faiblement, et se conforta dans son idée. Qu'importe que les sous-sols ne soient pas permis aux élèves : ce n'est pas le genre de réflexion qu'on se fait lorsqu'on a la couronne de son peuple sur les épaules et une indicible soif de connaissance à épancher. Si le règlement ne lui faisait pas peur, elle n'ignorait rien des dangers d'une telle entreprise. S'il s'agissait d'un Monstre des Profondeurs, comme elle le redoutait plus ou moins, il faudrait dix derviches entrainés pour en venir à bout : toute seule, malgré l'aide de l'Ombre, elle risquerait très fortement d'y laisser la vie. Mais si elle n'y allait pas, elle ne le saurait jamais; ou alors, pire, quelqu'un d'autre le découvrirait à sa place. Elle avait décidé de faire preuve de courage.
Les marches raides et humides ne l'inquiétaient de toute façon pas et, sans un regard pour la salle de Nécromancie à la porte noire, elle s'y engeaga avec ses pieds nus.

» Musique «

La Guerrière redressa la tête d'un coup. Le livre qu'elle lisait frappa contre le rebord de son lit, mais par chance elle ne réveilla aucune de ses compagnes de chambres. Du moins... Pour celles qui étaient là. La quatrième était sortie, apparement, une que le couvre-feu ne semblait pas impressioner. Les deux autres filles avec qui elle partageait sa chambre grognèrent dans leur sommeil à cause du bruit, mais Elora n'en tint pas compte. Un autre bruit, plus inquiétant, l'avait interrompue dans la lecture de son ouvrage.

Elle ferma les yeux quelques secondes dans l'espoir de l'entendre encore une fois. C'était un chuintement étouffé, un murmure sombre, un vieux souffle dans les murs du château... Dès son arrivée Elora avait senti que quelque chose d'étrange se passait dans l'enceinte, comme lorsqu'elle préssentait un combat à venir, elle avait pressenti que quelque chose ne tournait pas rond. On aurait dit... Le bruit de quelqu'un qui respire, et pas des moindres. Quelqu'un d'immensément grand si l'on en juge par l'impact effrayant que subit chaque mur. Sans faire davantage de bruit, la nordique se releva et partit en silence, encore dans son armure légère et en compagnie de ses fidèles armes, depuis son cours de combat du matin. Elle qui était si curieuse lorsqu'il s'agissait de faire face à quelque chose... La nuit promettait de lui apporter cette fièvre que lui prodiguait la puissance du combat, qui lui manquait désespérement depuis son départ de chez elle. Elle était peu habituée à ce calme.

Lorsqu'elle s'engagea dans les couloirs sombres du domaine, encore éclairés aux torches et à la bougie, il devait bien être minuit passé. Elle se fondit dans l'obscurité, et jamais un bruit ne s'entendait sur une marche d'escalier malgré sa tenue tant elle mettait son habilité à l'épreuve. Elle descendait car... C'était certain, le MURMURE venait d'en bas...

Elora parvint à l'entrée des sous-sols sans grande peine, seulement guidée par ses instincts de guerrière avide de ce pourquoi elle était. Et par dessus tout, cette curiosité rongeante... De savoir, de savoir ce qui se tramait dans les sous terrains. Chaque personne dans cette école avait un secret, chacun le sien, oui. Qui sait ce qu'était celui que gardaient les fondateurs... Au fur et à mesure qu'elle réfléchissait à tous ceux qu'elle avait rencontré jusque là, elle se souvint des rumeurs qui circulaient. Par des petits papiers en cours, des affiches destinées à effrayer les élèves, des on-dits proférés durant les repas... Jusque là, la nordique n'y avait pas accordé d'importance, pensant sans doute que les élèves avaient besoin d'excitation maintenant que le sujet de la rentrée était épuisé. Mais ce bruit, pourtant, était réel. Et la légende quelle quelle soit vient toujours de quelque part; aussi profond soit-il.

Alors qu'elle parcourait les couloirs sombres et presque terrifiants près des salles de cours les plus inquiétantes, le bruit, le MURMURE, devenait de plus en plus opressant. Elle le sentait oui, il vibrait jusqu'en elle si fort qu'elle se douta que sa source n'était plus très loin... L'escalier... Oui, l'escalier qui menait en bas... Encore plus bas... La guerrière entendit son propre coeur battre la chamade, engagé qu'il était dans son excursion nocturne.

Mais alors qu'elle parvenait aux escaliers et regardait ses marches noires, à l'allure si glissante... Elle vit quelqu'un. Habituée à chasser de nuit, rien n'aurait pu tromper sa vision, c'était bien une silhouette qu'elle voyait descendre le couloir. Grâce à la lueur d'une faible bougie derrière elle, dans le couloir, elle vit que c'était sans doute une fille, pieds nus. Persuadée de ne pas être encore repérée, elle descendit les premières marches et la rattrapa dans l'escalier même, attrapant son bras.
La jeune fille se retourna.

L'Ombre suivait la jeune fille sans mot dire. De toute façon parler dans un tel silence aurait été presque sacrilège compte tenu de la situation; le moindre bruit aurait empêché toute oreille de base de percevoir de nouveau ce son étouffé, provenant apparemment de si loin...
Årghann se demanda de nouveau de quoi cela pouvait-il s'agir. Était-ce dû à une quelconque créature? Mais dans ces cas-là, il aurait fallu qu'elle soit immensément grande pour tant ébranler le château... et l'Ombre lui-même. Non pas qu'il en était quelque peu retourné, mais il n'avait pas l'habitude qu'un son résonnât de la sorte, et cela le perturbait un peu. Un peu seulement.
Il vit que sa compagne de maison avait retiré ses pantoufles, ce qu'il comprenait parfaitement bien; lui-même marchait pieds nus depuis qu'ils avaient quitté la salle commune, et même avant; le froid de la pierre était certes un peu dérangeant mais on s'y faisait vite. Et de toute façon il avait plus l'habitude de marcher pieds nus quand il était libre.
Soudain il s'arrêta, persuadé d'avoir perçu un souvenir qui n'était pas le sien, ni celui de Perce-Neige. Il tâcha de se concentrer dessus... et soupira lorsqu'il dût se rendre à l'évidence que c'était tout simplement un véritable échec; son esprit préférait mille fois tenter de se concentrer sur la source de ce son. Une source plus obscure encore que le couloir dans lequel ils s'engageaient. D'ailleurs, il reconnut la salle de Nécromancie...
Perce-Neige, attends. Nous ne sommes pas seuls.
Il avait dit cela dans un murmure, parlant le plus bas possible pour ne pas se faire remarquer. Mais il avait tenu à avertir sa camarade. Il ne savait pas vraiment pourquoi, d'ailleurs.
Mais ne me demande pas de qui il s'agit, leurs souvenirs sont trop flous pour moi.
L'Ombre se retourna pour voir derrière lui. Mais il ne pouvait distinguer que le sol et les murs, monotones. Il fronça les sourcils et se tourna de nouveau vers la jeune demoiselle. Qui que cela pût être il ne pourrait sûrement pas leur faire vraiment du tord, et ce serait stupide de s'attarder pour les attendre. Sauf si, bien sûr, c'était des curieux comme eux deux, et qui n'avaient qu'une envie: découvrir ce que cela pouvait bien être.
Finalement las de se perdre en conjectures désespérément stériles il reprit sa marche, se disant bien que tôt ou tard les personnes qui étaient derrière eux se montrerait...

Seuls ceux que l'âge n'a pas usé peuvent entendre le Chant du Dragon

[Les adultes ne peuvent pas participer]

Un grondement, rauque et puissant, attire votre attention et ceux qui vous entourent se rapprochent de l'ouverture qui dévoile l'escalier en colimaçon qui semble s'enfoncer dans les ténèbres. Vous vous sentez soudainement envahi par une mélancolie qui n'a pas lieu d'être et le Chant du Dragon résonne comme une plainte, une détresse dans votre esprit. Les autres l'ont entendu, eux aussi. Il y a quelque chose en dessous, dans les bas-fonds du château. Vous décidez de descendre pour découvrir le mystère que cachent ces grondements. L'escalier est raide, glissant, mortel. Faites attention où vous posez vos pieds ! Une fois en bas, l'obscurité est moindre que ce à quoi vous vous étiez attendu. Cela est très étrange... Votre regard est alors attiré par un point scintillant, une lumière bleutée qui vacille au loin. Ce doit être l'origine du bruit. Un nouveau grondement vous paralyse. Vous avez peur mais votre curiosité doit être assouvie. Vous constatez alors que pour rejoindre la lumière, vous devez traverser un long et étroit corridor, sans ouverture, si obscur que vous ne distinguerez pas vos mains une fois à l'intérieur. Votre rythme cardiaque s'accélère. Seuls les plus valeureux continuent l'aventure, les autres remontent à la surface.

[ Plus on est de fous, plus on rit !
Par contre, j'ai l'impression que nos messages se contredisent un peu, au niveau de l'ordre et de la position de nos personnages dans la file; pour plus de commodités, j'ai considéré que Perce-Neige prenait les devants, à peu près au même niveau que Serinwë et suivie par Årghann. Perce-Neige étant la seule fille à être pieds nus, j'ai pensé que c'était elle qu'Elora attrapait. Si ça ne convient pas à tout le monde, signalez-le, merci ]

Perce-Neige n'avait fait que quelques pas lorsqu'elle perçut quelqu'un devant elle. Un flot de panique la parcourut et elle faillit s'arrêter; mais, se reprenant, elle se dit qu'il serait stupide de rebrousser chemin devant un humain, alors qu'ils avaient prit en chasse une créature sûrement plus terrible et plus vicieuse. Devinant une silhouette humanoïde, de vingt bons centimètres plus grande qu'elle, elle ne se laissa pas impressionner. C'était sûrement une élève; car malgré son ton sévère, la voix était jeune et n'avait proféré aucune menace.
« Perce-Neige Snowdrop, princesse derviche; et Årghann Mantel, digne représentant des Ombres. Joignez-vous donc à nous, mademoiselle... ? »
Elle avait parlé d'un ton tranquille : comme s'ils n'étaient pas, en pleine nuit à la recherche d'une créature grondante et tapie sous les fondations de l'école. Laissant sa phrase en suspens, pour que l'inconnue la complète en se présentant, elle l'avait un peu dépassée pour continuer sa descente, considérant qu'Årghann la suivait. Elle nota au passage les yeux et les mèches violettes; songeant à la tignasse de son compagnon de maison, elle songea qu'il s'agissait peut-être d'une Ombre. La bicoloration des cheveux semblait être une caractéristique courante de ce peuple.

Ce n'était pas par inconscience qu'elle lui avait répondu d'une manière si calme; mais bien parce qu'elle avait décidé que la peur était restée dans sa chambre, ce soir. Si elle devait pouvoir monter sur le trône de son père, elle devait ne rien craindre des horreurs que recelait la nuit des profondeurs. Un pas de plus, et une poigne de fer lui agrippa le bras. Elle glapit de surprise et se retourna. Bon sang ! Comment une créature aussi gigantesque avait-elle pu se cacher à sa vue et à son ouïe ? Était-ce là l'origine du grognement ? Non, tout de même pas...
La petite Perce-Neige devait lever la tête pour croiser le regard de son assaillante. Une Géante... ? N'étaient-ils pas qu'une légende ? Est-ce qu'au moins ces bêtes-là savait parler ?
Elle en avait entendu parler dans les récits ancestraux. Ils étaient vulgaires, belliqueux et n'avaient entretenu avec son propre peuple aucun rapport, d'aucune sorte. On a toujours tendance à se méfier d'un voisin dont les principales occupations sont la chasse à l'Ours et le pugilat. Ses pouvoirs la démangeaient: elle ne voyait en l'étrange guerrière qu'une menace, mais elle ne pouvait pas se permettre de provoquer un éboulement ici. La princesse ouvrit la bouche pour parler, mais c'est alors que le grondement retentit de nouveau.

Les larmes lui vinrent aux yeux sans qu'elle sache pourquoi; une tristesse millénaire s'empara d'elle. Elle profita de cette diversion qui les avait tous atteints pour s'échapper de l'emprise de la grande – très grande – brune et prendre les escaliers.
« V... Vite ! » Bafouilla-t-elle à nouveau, paniquée. Ses muscles semblaient ne plus vouloir lui obéir, abattus par une langueur qui la dépassait, mais elle réussit à les contrôler tant bien que mal et à atteindre le bas des marches. A peine put-elle sécher ses yeux et reprendre son souffle qu'une seconde salve l'atteignit. Elle l'essuya avec plus de dignité que la précédente, se redressant du mur où elle s'était appuyée et tentant de discerner où ils avaient bien pu atterrir. Un long couloir, étroit et un peu bas de plafond, fait de ténèbres si épaisses que même ses yeux habitués à l'obscurité n'y distinguaient rien.
C'était là l'œuvre d'un Démon, il n'y avait pas de doute. Elle se remémora les différentes manières de les exorciser; mais malheureusement, il n'y avait aucune qu'elle put effectuer seule. Il allait falloir travailler en équipe avec ces... Elle se retourna vers le trio qui l'avait rejoint. Deux Ombres – un peuple dont on lui avait longuement expliqué la malfaisante filiation avec les vampires – dont un asocial capable de voir dans le futur et une Géante, une race qu'on lui avait toujours conseillée de fuir. Et elle devait pénétrer des ténèbres presque sans fin, à la recherche d'un Monstre mélancolique mais terriblement effrayant, avec ces gens là. Superbe. Elle estima ses chances de survie à environ vingt-cinq pour cent.

Laissant un instant son cynisme de côté, elle regarda à nouveau le point lumineux. Elle hésita quelques secondes... Elle voulait vraiment savoir ce qui se cachait derrière tout cela.
Ca avait été... une sorte de chant tellement triste... Un instant, elle avait revu les larges galeries de son Palais, remplies de chants et de rires. Elle voulait savoir quelle créature avait pu provoquer un tel effet. Sans être particulièrement courageuse – la jeune fille devait avouer qu'elle n'en menait pas large – sa curiosité était sans limite.
« Årghann, venez-vous toujours avec moi ? Hum... Si vous voulez nous accompagner, vous le pouvez, bien entendu. » Elle avait décidé de passer l'épisode « la géante m'arrache à moitié le bras » sous silence. Ce n'était vraiment pas le moment d'essayer de lui apprendre les convenances.
La jeune fille inspira et invoqua doucement ses dons. La terre était très près des murs ici et répondrait sûrement à son appel. Elle fit voleter quelques poussières autour de ses doigts le temps que les autres répondent. Bon. Si son pouvoir marchait par ici, ses chances de survie montaient aux alentours des quarante pour cent. C'était amplement suffisant. Respirant à fond, elle s'engagea dans l'étroit tunnel...

Elora ne s'inquiéta pas en voyant entre ses doigts le bras fébrile d'une élève qu'elle avait déjà croisé dans le château. Ainsi donc, d'autres élèves avaient entendu ce bruit rauque et étrange provenant des profondeurs... La guerrière lâcha un long soupir perdu dans les ténèbres, se rendant compte que son exploration solitaire s'achevait là. Elle n'était plus seule. Perce-neige et Elora se regardèrent dans les yeux un moment, la nordique s'apprétait à se faire pardonner d'avoir ainsi surpris la jeune fille lorsqu'elle sentit le flot d'insultes silencieuses sortir de l'esprit de la derviche, ce à quoi elle répondit par un regard glacial qui en disait long sur ses intentions si la malheureuse prononçait la moindre injure sur son peuple à voix haute. Alors qu'Elora et Perce-neige ouvraient leurs bouches au même instant pour parler, un nouveau bruit se fit entendre, les maintenant dans un étroit silence. La derviche se défit de l'étreinte de la grande femme, mais Elora l'avait à peine remarqué, plongée dans l'émotion provoquée par le Chant que Seuls Certains Entendent... Une triste mélancolie envahit son coeur, traversant jusqu'à l'armure de mailles qu'elle portait... Traversant si profondément... Elora se sentit défaillir, s'asseyant un moment sur les marches humides de l'escalier, prise d'une envie soudaine de pleurer, de partir... De laisser ce qui reposait là... Comme en guerre, lorsqu'elle était prise d'assaut par un ennemi, les premières secondes où la lame s'enfonçait dans sa chair.

C'était pourtant évident, quelque chose appelait tout en bas la belle nordique, et elle se doutait que ses compagnons ressentaient la même chose. Une incapacité de fuir devant la curiosité, devant l'attirance de l'inconnu, le désir de savoir, et seulement pour Elora, le désir de mesurer la force de ce qui séjournait en bas... Voilà un désir auquel elle ne pouvait prétendre échapper, au contraire des autres élèves présents. Si les habitants de Gründwar avaient un défaut, c'était leur entêtement, jamais ils ne reconçaient à quoi que ce soit... Non, Renoncer avait quitté leur vocabulaire depuis les prémices de leur origine, ils en étaient tout simplement incapables, physiquement et mentalement incapables, enfermés dans l'étau froid des règles de la guerre. Curieusement, c'était aussi une de leur plus belle qualité. Etrange énigme que ce peuple méconnu et ô combien rabaissé par les autres, victime de paroles malhonnêtes pour compenser le fait de ne pouvoir jamais ou rarement en défier un en combat singulier... Il fallait bien trouver un moyen de se défendre, quand un moyen nous manque, c'est bien connu. Il est toujours dur d'admettre notre incapacité à rivaliser avec une race comme celle là, raison maîtresse de préjugés que, précisement, un enfant de Gründwar ne supportait pas, fier qu'ils sont de leur peuple.

Elora n'a pas songé aux pensées blessantes de la derviche en suivant le petit groupe dans les escaliers glissants, fermant la marche pour assurer leurs arrières. Hélas, et c'était un problème majeur à son esprit, elle ne discernait même plus quel était celui qui ouvrait leur marche à travers les ténèbres... A mesure que le petit groupe descendait, elle sentait la peur s'emparer de ses membres, et ne sut dire si c'était par faute de l'adrénaline ou à cause de l'ambiance, du Chant... Ou peut-être qui sait, du froid saisissant qui habitait les lieux. Intérieurement, elle plaignait tout ceux qui n'étaient pas habitués au froid de la neige et des montagnes. A la fin de l'escalier s'élevait un tunnel.... très étroit. De mieux en mieux. Il allait maintenant falloir qu'elle se courbe pour passer cette nouvelle étape. Elora ne se posa pas plus de questions, il était hors de question de revenir en arrière maintenant que le jeu devenait palpitant... Lentement, elle sentit la fièvre guerrière revigorante qu'elle aimait tant sentir passer dans son corps... Répendant une chaleur sans nom dans son ventre, donnant la force à ses bras, la lumière à ses yeux, le confort à son corps entravé d'une armure, comme si le dieu de la guerre qui veillait sur son peuple l'enrobait dans un de ses dons.

Lentement, oui, le Faerl... Elle sentit son Faerl, cette lumière en elle si vive, si étincelante... Instinctivement, elle passa la main dans son dos et dégaina sa longue épée, le son métallique de la lame en dehors du fourreau brisa le silence... Mais le murmure se fit à nouveau entendre, peu après, à mesure qu'ils pénétraient l'étroit tunnel. La princesse du Nord courba à moitié son corps pour pouvoir y passer sans se heurter aux parois. Enfin, ils allaient arriver à leur but, et Elora se doutait que ses compagnons voyaient déjà l'issue de leur exploration nocturne, puisqu'une lumière commença à poindre dans les ténèbres...

Et quelle lumière...

All right, ca me va!

L'élève considéra quelques instants celle qui venait de se présenter. C'était une Ombre, c'était certain. Mais s'il l'avait déjà vue, ce devait être au détour d'un couloir... son visage ne lui était quasiment pas familier. Il fallait dire aussi qu'il ne restait guère souvent en compagnie des autres élèves...
Bonsoir Serinwe
Il avait tout de même été étonné que Perce-Neige le présentât, et encore plus par les termes qu'elle avait employés... «  Digne représentant des Ombres » En aucun cas Årghann ne se considérait comme étant un quelconque représentant, et encore moins « digne ». Mais cela n'était vraiment pas la peine de penser à cela, ils avançaient plus profondément encore dans les entrailles du château, vers un endroit sûrement oublié des fondateurs eux-mêmes- ce qui pouvait expliquer que ces cachots n'avaient pas encore été aménagés; de ce qu'il en savait, on ne lissait que très rarement une pièce non aménagé dans un lieu, cela avait tendance à rendre l'endroit peut-être un rien sinistre. Alors les gens faisaient toujours tout un tas de choses pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de pièces vides dans une maison. Il était donc surprenant que les quatre fondateurs n'y eussent pas penser... d'un autre côté, ils avaient peut-être de nombreuses choses à faire...
Soudain l'Ombre sourit face à leur situation. Ils se retrouvaient à trois à marcher sans le moindre bruit, à la recherche de l'origine d'un son dont la provenance semblait être l'intérieur même de ces cachots qui n'avaient pas été aménagé... et il se retrouvait à penser à de la décoration d'intérieur... Finalement, il était peut-être légèrement fou.
Un mouvement attira son attention et il focalisa son esprit sur son origine, avant de constater que c'était là encore une autre fille... Une géante d'ailleurs, qui avait quelques rares fois attiré son regard de part sa taille impressionnante, et parce qu'il avait la vague impression de l'avoir déjà vue quelque part... mais cette impression mourait dans la seconde qui suivait, et ce fut ce qu'il se passa alors.
La demoiselle attrapa le bras de la Derviche mais n'échangea pas de mots avec elle. Surprenant, habituellement les gens étaient toujours plein de paroles inutiles et sans intérêts... Mais les circonstances quelques peu particulière de leur rencontre devait rendre toute tentative de conversation plus inutile encore qu'en temps normal...
Ils finirent par poursuivre leur avancée dans les entrailles du bâtiment, Årghann ne voyant guère devant lui, mais pouvant encore distinguer les différentes silhouettes des deux filles en tête, la troisième demeurant en arrière.
Tout-à-coup l'Ombre se raidit, submergé par une émotion comme il n'en avait plus ressenti depuis ce fameux jour où son grand-père avait fait cela... Sauf que ce n'était pas de la colère mais... de la tristesse. Une tristesse indicible, inimaginable, quelque chose de si puissant et se répercutant si profondément en lui qu'il crut qu'il allait se mettre à pleurer. Mais il ne le devait pas. Il se força ainsi à continuer, malgré cette douleur qui n'avait franchement pas lieu d'être, à part peut-être dans le son... dans cette plainte, comme un être à l'agonie.
Finalement il secoua la tête. Il ne pouvait pas songer à ce genre de chose, sinon son esprit s'emballerait comme de coutume et il se mettrait à imaginer des êtres innommables peuplant les souterrains... non pas qu'il avait peur de sa propre imagination, mais il voulait être sûr d'être suffisamment attentif au moindre bruit, au moindre mouvement. Après tout, se laisser manipuler par son imagination signifiait perdre une partie de son attention, non?

A mesure qu'ils marchaient la température diminuait franchement, et vint un moment où il se mit à frissonner. Jusqu'à ce qu'il aperçut une étrange lueur, qui n'avait vraisemblablement rien à faire là. Il se demanda ce que cela pouvait bien être, et si c'était là l'origine de ce son si étrange...
Il n'y avait à vrai dire qu'un moyen pour le savoir: se rendre sur place.

Le tunnel que vous empruntez semble se rallonger et s'obscurcir à mesure que vous avancez, et les pas de vos compagnons résonnent étrangement dans cette cavité. La lumière, elle, vous attire inexorablement mais semble s'éloigner. Un grondement se fait entendre à nouveau, mais il est faible, beaucoup plus faible que précédemment. Un courant d'air glacial s'engouffre dans le corridor et vous atteint de plein fouet, éteignant par la même occasion la lanterne dont vous disposiez. La colère monte en vous comme elle n'est jamais monté auparavant, destructrice, dévastatrice. Vous entendez vos compagnons hurler et vous vous mêlez à la dispute. Les émotions qui vous submergent par vague ne sont pas naturelles. Vous vous en rendez compte, mais vous ne pouvez lutter contre elle. Un rugissement, bestial et terrifiant, met fin aux cris de votre groupe. Vous tremblez, vous n'avez jamais eu aussi peur. Vos jambes semblent ne plus pouvoir vous porter. Quelque chose d'anormal vous attend, au bout de ce couloir ... Soudain, l'un des vôtres vous fait remarquer que vous êtes presque arrivé. La lumière est proche, oui, vous pouvez presque la saisir. Vous constatez, de loin, qu'une immense ouverture débouche sur une pièce. Vous vous remettez en marche, avide de curiosité. Un nouveau grondement se fait entendre, différent de tout ce que vous avez pu entendre jusqu'à présent. Le Chant du Dragon. C'est un murmure, une plainte dont vous n'avez pas saisi le sens. Mais vous savez que c'était un message de détresse. Votre pas s'accélère, vous courrez presque ... Lorsque vous arrivez près de l'ouverture, un nouveau grognement vous paralyse. Vous avez enfin compris les paroles :







Consignes : Vous pouvez faire plusieurs réponses pour cette scène, car il y a beaucoup à faire : le tunnel qui se rallonge, le courant d'air, la dispute, le grondement horrible qui vous paralyse de peur, le camarade qui indique que vous êtes proches, et enfin, le message que vous comprenez enfin.

Une langueur détestable s’emparait de son esprit. Chaque pas qu’elle faisait, chaque bruit qu’elle entendait… tout semblait désespérement lent, ralenti par le temps lui-même. Elle se voyait elle-même comme dans un miroir, en train d’arpenter des sous-terrains terrifiants, avançant vers le danger absolu, comme lorsqu’on voit les épisodes marquants de notre vie avant de mourir. La guerrière sentait son Faerl corrompu en son sein, son cœur retentissait à ses oreilles tant il battait fort et lentement. Son don, son faerl… corrompu… Sa joie des combats, disparue dans ces limbes. Perverti par les forces qui sommeillaient ici, qui s’emparaient de son don, le réduisait au silence… La guerrière de Gründwar s’arrêta d’un coup, tête vacillante, elle s’appuya au mur de la cavité, blessée par cette manifestation déformée de son faerl. Une lame. C’était une lame dans son ventre. Plus d’excitation. Plus de joie. Une langueur infinie, paralysante, une épée dans son ventre, l’empêchant d’y voir clair. C’était une guerre mentale avec ses propres douleurs. Elora versa une larme, une seule, qui alla se briser au sol, assaillie qu’elle était par l’ampleur des pouvoirs qui résidaient dans cette grotte. La voix de ses camarades était lointaine, diffuse, tout ce qu’elle entendait se résumait à cela : L’Epée qui traverse le corps, lorsqu’on entend la lame vibrer de satisfaction. Tout les bruits alentours se taisent, il ne reste que l’écrasement qui nous prend un instant, éternel, tout autour devient vague. La réalité se perd, sa trame se déforme, son court se stoppe et change de direction sans qu’on s’y soit attendu. Tout est chaos, un moment sans fin, et la langueur… Cette langueur poignante s’abat sur notre esprit comme les chutes de pierres qu’on entend au creux des montagnes. Bien qu’abattue, Elora se redressa, usant de ses dernières forces, pour se hisser jusqu’à ses compagnons. Ils continuaient sans l’attendre, il lui fallait les suivre… Ne serait-ce que pour les aider face au mal qui grondait ici bas. Ses valeurs eurent raison de la douleur, du moins pour l’instant, et elle arriva jusqu’à eux. Elle les pensait calmes, mais non, loin de là… l’atmosphère se saisissait d’eux aussi. Quelque chose de trop sombre se cachait là, dans les entrailles intouchées de la terre… Depuis si longtemps, enfoui si bas, à l’abri des regards… Cherchant sa proie, cherchant quelqu’un à manger, à dévorer. Une colère sans nom s’insinua dans les veines d’Elora, rendant ses battements plus forts qu’ils ne l’étaient déjà, elle les sentait prêts à faire trembler les fondations. Lorsque Serinwë, moins endurante, dit aux autres d’avancer plus vite, se plaignant comme une enfant, c’en fut trop pour la colère injustifiée d’Elora. Elle ne put s’empêcher de répliquer. Quelle malchance pour eux qui se trouvaient à ses côtés… Qu’une femme comme elle soit colérique, seule dans ces couloirs sombres, et qui de plus fermait la marche… Mieux vallait ne pas l’enflammer, elle doutait de sa capacité à contrôler les pulsions de son corps si elle venait à poser la main sur le pommeau de son épée… Non, ce n’était pas une bonne idée qu’elle soit là, mais l’enfant de Gründwar ne pouvait pas non plus reculer.

- Cesse de critiquer, si l’envie t’en prend, dépasse les deux premiers et ouvre la marche ! Tu n’as pas l’air de te rendre compte de la difficulté et de l’enjeu. Peut-être qu’un séjour forcé en première ligne te ferait le plus grand bien !

Sa voix était menaçante, Elora était prête à la soulever d’une seule main et la balancer à l’avant pour lui faire comprendre son impolitesse. Elle ne se rendait même plus compte de la sienne, jamais elle n’aurait parlé comme ça en temps normal. Elora maugréa dans sa barbe, furieuse de ne pas réussir à se contrôler, même en parlant à une amie, même une alliée dans son périple.

- Si c’est de notre faute, rien ne t’empêche de partir, ça aura au moins le mérite de nous épargner tes commentaires !

Oh non, contrôle-toi, Elora, contrôle-toi, ce n’est pas toi qui parle… La douleur la poussait dans ses retranchements les plus sombres. Ses principes vacillaient.

Les Ténèbres...
Froides et oppressantes, à l'image du lieu dans lequel ils déambulaient depuis quelques minutes déjà. Non, quelques heures. L'Ombre se raidit tout-à-coup, soucieux. S'il y avait bien une chose qu'il détestait en dehors des gens, c'était le fait de ne pas être capable de se repérer dans le Temps. Cela ne lui arrivait for heureusement que très rarement, mais lorsque cela se produisait, il avait une forte tendance à se sentir extrêmement oppressé et à devenir plus désagréable que d'habitude... Ne pas pouvoir se repérer dans le Temps, c'était, pour lui, comme si on venait de lui planter une dague entre les deux omoplates. D'ailleurs il se sentait dans un état proche de celui qui suivrait une telle attaque; il eut de mal à poursuivre, à la fois déboussolé et... désespéré. Enfin... ce désespoir qui avait suivit l'une des plaintes abyssales, celui-là même qui avait réussi à faire pleurer certaines de ses compagnes d'aventure...

Il eut du mal à se relever, pris par des sentiments qu'il ne parvenait pas à trier et encore moins à comprendre. De la terreur pour ne pas parvenir à se situer dans la Trame Temporelle. Après tout... ils pouvaient tout aussi bien marcher depuis des jours, et personne n'aurait remarqué leur absence... les professeurs ne seraient pas venu à leur recherche... Cela lui apparut soudainement impossible et il put alors supposer qu'ils n'étaient pas absent depuis bien longtemps; en tout cas, il était entre minuit et 9H00, en comptant une heure de battements pendant laquelle les élèves et professeurs se contenteraient de se demander si les élèves absents n'avaient tout simplement pas eu une panne d'oreiller... Cela le rassura un tout petit peu, d'avoir une fourchette temporelle dans laquelle se caler, et il se calma un peu même si ce n'était pas vraiment le luxe; l'élève demeurait tout de même perd entre minuit et neuf du matin, ce qui était tout de même assez important comme fourchette...
Et puis soudain, il en eut assez.
Passer sa vie auprès de leur mortellement ennuyeux et plus qu'exacerbant professeur d'Invocation aurait été bien plus agréable que de continuer de marcher en compagnie d'êtres qui n'arrivaient même pas à accélérer la cadence... ce que fit remarquer l'une des demoiselles présentes, impossible pour Årghann de dire laquelle d'entres elle avait parlé. Tout ce qu'il savait, c'était qu'elle paraissait trouver le rythme trop lent... ce à quoi répondit celle qui se tenait derrière lui. S'il se rappelait bien, c'tait une grande demoiselle, enfin... géante, pour être plus précise. Et qu'elle n'avait pas vraiment l'air d'être de celles qu'il était conseiller de provoquer... Et pourtant, cette même demoiselle paraissait furieuse. Ce qu'il trouva tout simplement déplorable: les gens ne pouvait-il donc pas se taire une bonne fois pour toute et se contenter d'avancer sans geindre ni hurler? Pourquoi fallait-il qu'il y ait toujours quelqu'un pour la ramener, c'était si...
Un bruit de métal coupa l'Ombre dans ses pensées et le ramena dans une sorte de "demi-réalité", composée de peur et de fureur. Une fureur qu'il ne cherchait même pas à contenir puisque, pour la première fois depuis longtemps peut-être, il plongea joyeusement dans les souvenirs de ses compagnes d'aventures, cherchant les souvenirs les plus douloureux pour les blesser plus fortement encore qu'avec son maigre pouvoir physique.
Il ne lui fallut pas longtemps pour percevoir ce qu'il cherchait. Oh, ce n'était certes pas un souvenir bien douloureux, mais au vu de l'état d'énervement de sa victime, lui répéter ce qu'il se disait au sujet de cette géante était certain d'être douloureux et ce, malgré la note métallique caractéristique d'une lame sortant d'un fourreau. Car après tout, le plus important n'était pas de demeurer en vie... mais de faire mal. D'imposer la douleur aux autres, de leur faire comprendre qu'elles n'avaient rien à faire ici, et que si elles pouvaient mourir...
Årghann ne s'en rendait pas lui-même compte, ne savait pas qu'il était mu par une haine différente de la sienne, qui n'avait rien à voir avec lui-même. Ou alors... elle était sienne, mais amplifiée cent fois... mille fois même. Mais qu'importait! Tout ce qui comptait... c'était de faire souffrir. A n'importe quel prix.

Diable, cette douleur insupportable… Les marées de colère remontaient dans son ventre par vagues, anéantissant tout espoir qu’elle puisse garder ses esprits. Surmontée par le mal qui s’emparait détestablement de ses paroles, ses gestes méprisants, l’enfant de Gründwar ignorait ce qu’elle pouvait bien essayer pour faire fuir cette force surhumaine qui malmenait son esprit. Qui lui faisait dire des horreurs. Qui lui faisait obéir comme un animal… Sa main se posait sur son épée… Sortait du fourreau dans un bruit vibrant, métallique et détestable… Elora s’aperçut alors que Serinwë, une des Ombres avec lesquelles elle marchait dans le tunnel, lui faisait face, le regard noir et plein de défi. L’esprit engourdi, la géante se demanda un instant si ce tableau n’était pas le fruit d’une chimère, une simple illusion dûe au manque d’air frais et de lumière qui entravait ses sens. La bestialité qui rôdait dans ces lieux devait s’être emparée de tout le monde, et l’Ombre devant Elora n’était pas en reste, bien au contraire. Quelle haine dans ses yeux… On ne pouvait sans doute pas le voir dans la pénombre, mais le visage de la guerrière s’était transformé en un rictus effroyable. Mieux vallait ne pas être sur le chemin d’un tel regard… Nombre de guerriers l’avaient appris à leurs dépends. Et son épée, découverte… Prête…

Non, cette chose ne m’aura pas.

Mais Serinwë pouvait peut-être bien s’avérer dangereuse, Elora ne baissa pas sa garde, utilisant toute sa force mentale pour contrôler ses propres gestes. S’ils venaient à lui échapper… La guerrière se demandait bien combien de secondes il lui faudrait pour mettre en pièces cette fille imprudente qui la narguait, inconsciente de la menace. Mais malgrès tout, il ne fallait pas se reposer sur ses lauriers, dans ses circonstances où cette force perverse nous persuadait de notre puissance, ce n’était pas une mince affaire de résister à de tels assauts… Malheureusement, la colère empoigna d’un seul coup le cœur d’Elora lorsqu’elle entendit l’ironie dans la voix de son adversaire. Non, de son amie, de son amie. Sans trop se rendre compte de ses gestes, elle empoigna d’un coup le bras fébrile de Serinwë.

- Bien.

Elle passa devant les deux autres, peut-être en les bousculant, tout autour d’elle devenait flou. Elle avait perdu le sens de ses actes, tout s’évaporait, devenait noir, noir, si noir… C’était un rêve, comme dans un rêve oui. Elle aurait aimé. Elle entendit les plaintes de l’ombre, elle avait du l’empoigner un peu trop fort, mais continua ce qu’elle avait entrepris. La guerrière, pleine de haine involontaire, poussa l’ombre à l’avant, pour qu’elle ouvre la marche. Elle fit grincer le fer de sa lame sur les parois, comme une menace. Diable, que tout cela soit faux… Ce n’était pas elle qui agissait.

- A toi l’honneur.

Dit-elle avec ironie, fixant le bout du tunnel. Elora eut d’un coup un rappel à la réalité, et cela dû se sentir vivement, car elle changea immédiatement de regard. Un court instant, elle regarda sa compagne dans les yeux avec tristesse, se rendant compte du sortilège qui pesait sur eux. Et ses yeux disaient, dans l’ombre et le silence, ce n’est pas moi…
Elle s’adossa un moment au mur derrière elle, fatiguée de se battre. Il ne fallait pas qu’elle soit une menace pour ceux qu’elle accompagnait. Dans sa tête, puis dans un murmure d’outre-tombe, Elora répéta son serment… « Un chevalier obéit à des valeurs… » …

La colère avait l'étrange don de brouiller toute forme de pensées raisonnables, et ce fut sûrement pour cette raison que la Géante du Nord se trouva à dégainer son épée, vraisemblablement en proie à la même colère que lui. Cependant elle ne s'en servit pas, se contentant de brutaliser légèrement l'autre dame qui les accompagnait.
Årghann était quelque peu perdu. Il était furieux, certes, et ne savait que faire de cette colère qui lui rongeait les entrailles et lui annihilait l'esprit, étrange bête qui s'emparait de lui comme l'on brûle un fétu de paille. Un feu dévorant, sans lumière ni chaleur, et exacerbant sa haine des autres et de ce qui l'entourait: partir. Il aurait sûrement dû quitter cette école depuis longtemps, mais il y resté. Mal lui en avait pris, car à présent il était condamné à supporter la présence des autres de façon plus dérangeante encore; tant qu'il n'aurait appris à les utiliser à son avantage et à faire de sa malédiction son don, il les haïrait encore et encore.
Rappelle-toi pourquoi tu es resté dans cette école, au lieu de réagir de façon aussi... aussi primaire.
Cette simple phrase lui fit se rappeler des Rapaces Ailés, la seule véritable raison de sa présence en ces lieux. Il les aimait, pas de doute là-dessus. Eux, au moins, ne passaient par leur temps à tout détruire...

Il suivit quelques instants l'Ombre, puis remarqua que la Géante s'était adossé au mur. Etait-elle fatiguée? En avait-elle assez de tout ceci? Restait-il au moins une seule once de bon sens dans ses pensées embrumées pour qu'il se rendit compte qu'il réagissait de façon plus violente que d'habitude? Ce n'était pas vraiment certain... Ces émotions étranges, en rien naturelles, s'étaient emparées de ses propres inquiétudes, de sa propre colère contre tous ceux qui l'entouraient. Elles le manipulaient à leur guise, en faisaient ce qu'elles voulaient en faire. Jusqu'à ce que l'Ombre se demanda si tout ceci avait une finalité. La colère même n'avait au fond pas le moindre sens: si la guerrière voulait s'adosser et se laisser aller de cette façon, libre à elle. Ce n'était pas à lui de juger, pas alors qu'il ne savait même plus comment se situer dans le Temps. Etaient-ils le lendemain, avaient-ils marché pendant plus d'une heure, de deux heures, de vingt-quatre heures?
La colère reprit subitement le dessus, vague de sentiments déchaînés et simple miroir déformant de sa propre réalité. Il éprouva tout-à-coup une haine violente, comme il n'en avait que très rarement éprouvée jusque-là, avant de se rendre compte de sa propre virulence, de sa propre cruauté. Ses pensées ne lui ressemblaient même pas, pas à lui, en tout cas. Il n'avait jamais aimé les autres, mais n'avais jamais éprouvé un tel besoin de les voir souffrir. Jamais. Tout ceci n'était alors pas normal, et sa propre colère lui apparut si... artificielle, qu'il se battit pour l'endiguer enfin, la faire taire définitivement ou, au pire, la tapir dans un coin de son esprit, masse sombre et terrifiante que des sentiments peu positifs eux-même masqueraient pour un temps.

On devrait... se calmer si on veut... arriver à quelque chose.
Des mots qu'ils n'avaient même pas songer à prononcer, des mots qui lui paraissaient si incongrus dans ce couloir interminable, si... inattendus de sa part!..
L'Ombre s'arrêta quelques instants, dévisageant chacune de ses compagnes de mésaventure. la haine et la volonté de leur faire mal était toujours présentes, mais il y avait également une autre pensée, beaucoup moins massive, qui avait fini par se glisser dans son esprit dans le brouillard: la haine qui les assaillait n'avait rien de naturel. Il fallait donc lui faire face d'une façon ou d'une autre... ou sombrer avec elle.