Premier cours, introduction à la religion et aux techniques Vaudou

Vendredi 17 septembre
De 17h00 à 18h30

La sonnerie retentit, annonçant que le cours de nécromancie se terminait au profit de celui des techniques Vaudou. Une magie qu’il aimait pratiquer bien qu’il ait toujours pensé que la nécromancie était plus intéressante, à ses yeux elle offrait plus de possibilités des deux côtés de la magie. Le Vaudou ne permettait pas le même contrôle, il y avait toujours une part de hasard qui provenait de l’humeur des esprits qu’il fallait invoquer.

Il relâcha les élèves et sortit à son tour, fermant la porte à clé avant de se diriger vers sa deuxième salle, il s’était particulièrement amusé à la décorer, d’une manière qu’on n’oublierait pas. Au moins c’était bien le seul cours où il serait sûr d’être à l’heure ! Il remarqua que plusieurs élèves avaient été présents dans son cours précédent et s’en réjouissait même si celui là serait d’une toute autre nature !

- Bonjour ! S’exclama-t-il à nouveau en s’adressant aux élèves.

Réalisant la même prouesse, il trouva sans hésiter la clé qui ouvrait la porte de la salle, étrangement ornée d’ossements et de plumes.

- Entrez ! Et ne vous installez pas tous au fond sinon vous ne verrez pas l’essentiel du cours !

Il sourit de plus belle en voyant l’étonnement des élèves qui entraient chacun à leur tour dans la salle. En effet il y avait peu de lumière dans la salle, à demi éclairée par le jour qui déclinait lentement. Mais malgré l’obscurité la salle était assez éclairée pour qu’on puisse remarquer les étagères qui recouvraient presque la totalité des murs, sur chacune d’elles avaient été posé des fétiches de toutes tailles et de toutes formes. Tous avaient été sculptés à la main dans du bois allant de l’ébène au bouleau. On pouvait voir aussi de nombreuses bougies et chandelles éteintes, elles étaient multicolores. Il y avait aussi des plumes, des os de formes bizarres, des talismans, des grigris et une foule d’autres choses à l’aspect étrange ou sordide.

Le professeur entra dans la classe à son tour, cette fois Morgat entreprit de faire le tour de la salle, d’aller renifler deux ou trois personnes avant de se placer tout au fond, comme si elle aussi voulait suivre ce cours. Avant de se présenter à nouveau, il leva les mains et l’air s’électrifia une demi-seconde, toutes les chandelles et les bougies s’allumèrent, amenant un peu plus de lumière dans la classe.

- Je me présente, Dmitri Vannovski, votre professeur de techniques Vaudou et aussi de nécromancie pour ceux qui suivent l’option !

Les lettres une nouvelle fois apparurent sur le tableau sans qu’il bouge ne serait-ce que le petit doigt.

- Comme je l’ai indiqué précédemment à certains de vos camarades et ils pourront vous le confirmer, si la classe devient multicolore ou si vous vous trouvez nez à nez avec un dinosaure ne vous inquiétez pas ! Il ne s’agit que d’illusions, créées par mon chacal Morgat qui se trouve au fond de la salle, si vous voulez la caresser c’est à vos risques et périls mais il serait dommage que vous fassiez un tour à l’infirmerie dès ce premier cours !

A la réaction de certains élèves, il semblait que personne n’avait très envie d’y aller, ce qui indiquait que soit les élèves étaient sérieux, soit ils craignaient de mettre les pieds dans l’infirmerie. Peut être que celui qui s’en occupait avait pour principe de les torturer au lieu de les soigner ! Cette idée le fit sourire.

- Mais je ne suis pas là pour bavarder ou prendre le thé avec vous, bien que si vous voulez prendre le thé je ne sois pas contre ! Je m’égare ! Il me semble que le cours de techniques Vaudou n’a pas été assuré depuis la rentrée, pour ceux qui auraient déjà pratiqué le Vaudou ou eu cette matière je vous invite à me rapporter pour… il regarda sur une feuille, lundi tout ce que vous savez ou avez fait, comme ça je pourrais reprendre plus facilement et peut-être éviter des choses qui vous paraîtront un peu ennuyeuses !

Son sourire avenant ne quittait jamais ses lèvres, il appréciait d’être ici et observa un instant les élèves présents, il allait devoir apprendre leur nom même s’il ne savait pas vraiment comment s’y prendre.

- Vous n’aurez pas à écrire beaucoup pendant les cours, vous aurez besoin de bases théoriques bien sûr mais je n’aurais pas grand-chose de plus à vous expliquer que ce qui est dit dans les livres que vous devrez acheter. Je vous donnerai la liste à la fin du cours. Je reprendrais bien sûr tous les points que nous devrons aborder et vous ne devez pas hésiter à poser vos questions, vous serez rapidement perdus s’il y a des points obscurs. Je vous formerai donc pendant un bon nombre de cours, sans doute la majorité de l’année, à l’initiation, et oui, si vous voulez pratiquer tout de suite vous en êtes loin ! On ne fait pas de Vaudou sans y être initié, ce serait bien trop difficile et les esprits refuseraient de répondre à vos appels !

Il craignait qu’une bonne partie des élèves abandonnent l’option à cause de ce point, l’initiation pouvait paraître longue et fastidieuse quand on manquait de motivation.

- Il vous faudra plus de détermination que dans d’autres matières car le fruit de votre travail n’arrivera pas de sitôt. Mais si vous poursuivez l’aventure jusqu’au bout vous connaîtrez le plaisir d’avoir travaillé longuement pour quelque chose et vous aurez bien des facilités même pour les invocations plus complexes.

De toute manière maintenant qu’ils étaient là il comptait bien les motiver et les soutenir, il savait être à l’écoute du moment qu’on ne comptait pas trop sur lui !

- Nous allons maintenant rentrer dans le vif du sujet, c'est-à-dire qu’est-ce que le Vaudou ? Je compte sur votre participation, montrez moi un peu vos connaissances ! Si vous ne savez rien ce n’est pas grave, vous êtes là pour apprendre ! Si vous avez des questions c’est aussi le moment ! Et dites moi vos noms et prénoms, ce sera l’occasion pour moi de savoir qui participe à mon cours !

Aucun élève ne s’était endormi et tant mieux parce qu’il l’aurait payé cher ! Il attendait avec toujours le même sourire amical que des mains se lèvent, espérant que chaque élève aurait quelque chose à dire. C’était une manière de voir quelles connaissances on leur avait donné et si on leur avait parlé d’une initiation.

Lorsque la jeune femme arriva dans les sous-sols, une élève de seconde année venait tout juste de s’installer contre un mur, encapuchonnée dans un long et large vêtement. Si la situation pouvait surprendre certains, ce n’était pas le cas d’Idril qui, sans connaître personnellement celle adossée contre les pierres froides, avait déjà maintes fois vu cette silhouette énigmatique. Aussi, elle l’ignora et vint également s’adosser contre le mur, bras croisés sous la poitrine. L’amazone n’était pas du genre à sympathiser, à parler pour ne rien dire et si elle ne daignait pas refuser la conversation, elle évitait en revanche de la déclencher. L’attente se fit en silence, silence seulement entrecoupé par l'arrivée des autres étudiants. Et lorsque l’heure du cours sonna, un brouhaha incessant se fit entendre, signe caractéristique de la fin d’un cours. Et effectivement, le groupe d’élèves qui avait assisté à la nécromancie envahit le couloir, pour s’en aller jusqu’aux escaliers qui les mèneraient au rez-de-chaussée. Comment pouvait-on trouver un attrait pour les sciences nécromantes ? C’était une abjection, une horreur sans nom ! Comment pouvait-on utiliser la Mort à des fins personnelles ? La princesse avait vu tant de ses proches tomber à la guerre, elle avait vu la Faucheuse emporter les âmes des siens et elle avait lutté contre la Mort elle-même, lorsque ses longs doigts griffus lui intimaient de venir la rejoindre. Lorsqu’on avait vécu tant d’horreurs, on ne pouvait pas comprendre. Un puissant frisson secoua la jeune femme. Son trouble s’accentua quand elle vit que le professeur qui accompagnait les élèves bifurqua vers ceux qui attendaient, avant d’aller ouvrir la porte du cours de Techniques Vaudou. Se pouvait-il que … ? Idril refusa catégoriquement de formuler l’hypothèse et suivit le mouvement de foule, pour entrer dans la salle de classe. Elle s’installa à côté de la jeune femme qui n’était plus encapuchonnée et sortit son carnet de notes, essayant de s’occuper l’esprit pour ne pas penser à ce qu’elle refusait d’admettre. Mais ses doutes la rattrapèrent bien vite. Le professeur se présenta et l’évidence frappa Idril de plein fouet. Le professeur de Techniques Vaudou était celui qui enseignait la nécromancie. Elle se sentit mal à l’aise et n’écouta que d’une oreille distraite le professeur. Comment était-ce possible ? Cette matière qu’elle avait tant aimé étudier était dispensée par un adepte des forces nécromantes ? Mais c’était absurde ! Injuste ! Elle lança un regard noir à l’homme qui continuait son discours introductif. Elle voulait lui cracher son dégoût, lui dire à quel point elle le trouvait répugnant, elle entrouvrit les lèvres et un son étrange parvint à s’échapper :

« Nous n’avons pas tous étudié la matière … Monsieur. »

Sa voix était mécanique. Elle avait dû faire un effort surhumain pour prendre sur elle, pour refouler la vague d’émotions qui la submergeait, afin de répondre au professeur qui demandait à ce qu’on lui indique ce qui avait été déjà vu. Elle baissa le regard, et évita de croiser à nouveau celui du professeur. Elle adorait les Techniques Vaudou, elle ne pouvait pas tout gâcher dès les premières minutes ! Il fallait qu’elle se ressaisisse, qu’elle fasse abstraction de sa révulsion. Oui, c’est ça. Faire abstraction. Se focaliser sur les paroles du professeur, uniquement sur ses paroles. Reprenant assurance, elle griffonna quelques mots sur son calepin. Lorsque sa voisine prit la parole, elle l’écouta avec attention. Elle avait en partie raison, mais c’était incomplet. C’était facile pour quelqu’un qui avait déjà suivi l’enseignement de répondre au professeur qui les regardait avec un sourire avenant. Comment quelqu’un qui semblait aussi doux que patient pouvait-il enseigner la nécromancie ?! Non, non, non, il faut se focaliser sur la matière, uniquement la matière. Elle releva son regard, incertain, et prit la parole avec plus d’aisance que précédemment.

- D’après ce que j’en sais, ma voisine a raison. Le Vaudou est le culte des esprits, nommés Loas. Il s’agit de les solliciter pour réaliser des prouesses, si je ne m’abuse. Et je suis Idril Calafas, élève de la maison Kiah’l »


Elle avait machinalement incliné la tête, vieille habitude qu'elle avait conservé lorsqu'elle se présentait. Elle attendit, regard baissé -chose très rare chez elle- que le professeur confirme ou infirme ses propos. Décidément, elle n'avait pas de chance avec les options choisies. Entre un nabot excentrique et un professeur nécromant, elle aurait mieux fait de choisir la métamorphose et l'animologie !