Dracologie - Leçon 1 - Première année

Premier cours de dracologie, et également seul cours du mercredi. Serinwë avait pu profiter de quelques heures de sommeil en plus, vu que le cours ne commençait qu'à 09h30. Elle se prépara tranquillement, puis descendit prendre son petit déjeuner. Une fois le tout fini, elle se munit de son oeuf de dragon et se rendit à la salle de cours. Arrivée face à la porte elle constata que cette dernière était ouverte et que le professeur attendait les élèves à l'intérieur. La jeune femme pénétra dans la pièce et salua respectueusement la femme présente près du bureau. Tandis qu'elle se dirigeait vers le troisième rang, Seri remarqua les différentes peintures et gravures accrochées au mur. Elle laissa son regard faire le tour de la salle, puis elle observa un peu plus son professeur. Cette dernière, une fois tout le monde installé, prit la parole et se présenta. La voix et le ton de madame Bélisande Al Tyr concordait avec la prestance que dégageait sa personne, on aurait dit une dame issue de la noblesse. Mais peut-être était-ce le cas?

La jeune ombre sortit ses affaires et commença à noter les informations données par leur enseignante. Le programme était constitué d'une partie théorique et d'une partie pratique, ce qui convenait parfaitement à Serinwë. Voyant que personne n'avait de remarques quant au déroulement des cours, Belisande entama la leçon. Obéissant aux dires de leur professeur, elle sortit son oeuf et commença à regarder celui de ses voisins. Tous étaient différents. Le sien arborait un blanc bleuté avec des reflets opalescents et il était de taille moyenne, certains ne présentaient qu'une seule couleur, d'autres de multiples et les tailles étaient variables... Alors la question « pourquoi? » fut posée à l'attention des élèves.

Oui pourquoi ces caractéristiques uniques pour chaque oeuf? Levant une main quelque peu timide, Serinwë osa donner une réponse d'un ton assez neutre, mais où perçait une pointe d'hésitation certainement dû au stress de dire une grosse bêtise.

« Parce que chaque dragon est unique, et peut-être que cela dépend aussi de leur famille... »

Par famille, Seri voulait parler de catégorie, de sous-espèces dans la race draconique. Elle se remémorait le petit dragon du prof d'invocation, les grands dragons dont lui parlait l'Illuminé, avec ou sans ailes.... Cela devait certainement jouer dans la diversité des oeufs. Ayant parlé, elle se tut détachant ses yeux de la silhouette de leur professeur, et attendant de voir si elle s'était complètement trompée ou pas.

Il allait être en retard, mais si seulement il arrivait à mettre la main sur son emploi du temps ! Ce n’était pas dans ses habitudes d’être dissipé et d’ordinaire il aurait déjà su quel cours il avait et où aller sans même jeter un coup d’œil sur la feuille de papier. Mais il s’était endormi – il serait d’ailleurs peut être temps de reprendre un rythme diurne – et puis il ne se souvenait pas tellement. Qu’est-ce qu’il avait bien pu faire quelques minutes auparavant ?
Peu importait, après avoir mis sans dessus dessous toutes ses affaires il avait fini par retrouver ce fichu emploi du temps. Cours de dracologie à 9h30, premier étage dans l’observatoire, il avait de la chance ce n’était pas très loin mais il ne devait sous aucun prétexte être en retard.

Il ne savait trop s’ils avaient le droit mais il n’hésita pas longtemps, après tout on était dans une école de magie. Il s’empara de son sac et se transforma rapidement avant de s’élancer à toute allure jusqu’à la salle de classe. Il arriva juste à temps alors que la professeur venait d’ouvrir la salle et que les élèves entraient. Il reprit alors forme humaine sans que personne ne semble avoir remarqué que quelques secondes auparavant un tigre venait de débouler dans le couloir. Tant mieux, moins il attirerait l’attention mieux il se porterait.

Depuis son arrivée il avait fini par s’habituer au flot constant d’émotions qui voulaient s’emparer de lui et n’y faisait presque plus attention, il lui suffisait de se plonger dans ses pensées et de surtout ne s’intéresser à personne. Ainsi tout allait bien pour lui et sa presque totale absence de vie sociale ne le dérangeait pas plus que ça, d’ailleurs il ne se rappelait plus de ceux qu’il avait rencontré les journées précédentes et n’aurait pu les reconnaître.

Le jeune homme fut satisfait de pouvoir s’asseoir au fond de la classe, il avait pour cela doublé tout le monde, après tout il était bien en droit de se servir des aptitudes qu’il avait grâce à sa race, notamment sa rapidité.
Le cours de dracologie avait attiré particulièrement sa curiosité car même après avoir épluché tous les livres qui étaient tombés dans ses mains concernant les dragons il n’avait pas vraiment trouvé de réponse à ses questions. Ce n’était généralement qu’un assemblage de superstitions et d’idées plus saugrenues les unes que les autres. Seulement cela faisait plus de deux ans et demi qu’il avait rencontré Eärlàlith et il se demandait bien quand il pourrait un jour regarder autre chose que la coquille de son œuf. Tant de temps à ses côtés avait pourtant développé un lien et un amour inébranlable entre eux, quelque chose qu’il pensait être inhabituel et unique. Bien sûr tout cela devait être modéré et il ne pouvait s’abandonner à un amour sans borne pour cet être si différent et si compréhensif mais c’était tout à fait différent.

Il avait tant de questions à poser ! Se retrouver en face d’une dragologue experte se révélait être une bénédiction, et il était certain de s’attarder après le cours.
Tout souriant, il attendait impatiemment la moindre miette de savoir que madame Al Tÿr pourrait lui donner.

Ce ne fut que lorsque celle-ci prit la parole que son visage se crispa de douleur et qu’il plaqua ses mains contre ses oreilles lançant un « Rrrrawwww » qui semblait tout droit sortit de la gueule d’un chat. Le cri ne s’avéra pas très fort et il espérait que la professeur ne l’ait pas entendu. Il ne voulait pas faire mauvaise impression mais la voix forte de cette femme était une torture pour ses oreilles trop sensibles.
Il entreprit de changer ses oreilles pointues en des oreilles moins délicates comme celles des humains mais comme il s’y attendait rien ne se passa. Il était furieux d’être à la fois soulagé durant les moments de silence et mais d’une ignorance des plus profondes et de voir qu’il pouvait tant souffrir d’une sensibilité qui lui avait toujours été naturelle.

Le visage complètement livide, les mains contre les oreilles, Kièran attendit patiemment que madame Al Tÿr finit son discours, jugeant impertinent de l’interrompre puis qu’une jeune fille qui lui faisait penser à quelqu’un – mais il n’aurait su dire pourquoi – réponde à sa question pour sortir son œuf.
Il était plus petit que la plupart des autres, d’une forme parfaitement ovale dont la texture était lisse et dorée, brillant selon la manière dont la lumière se reflétait.

Il caressa lentement la coquine, de manière très douce et sourit légèrement alors qu’Eärlàlith tentait de lui procurer apaisement et sérénité. Au fil du temps il avait fini par comprendre que le meilleur moyen de communiquer avec son maître était par des sentiments modérés et sincères.

Reportant son attention sur ce qui se passait autour de lui, le jeune Elwing releva la tête, attendant impatiemment la suite du cours. Il avait écouté la réponse de la fille installée au troisième rang et l’avait trouvé plutôt pertinente. C’était sans doute ce qu’il aurait répondu mais il n’avait pas vraiment envie de participer au cours, si déjà il pouvait s’habituer à la voix du professeur de dracologie ce serait une bonne chose. De toute manière il devrait faire avec et trouverait bien une solution, dans le pire des cas il devrait lui en parler… Mais tout ce qui comptait pour le moment c’était d’en apprendre le plus possible sur les dragons et de pouvoir trouver des réponses à la foule de questions qu’il se posait.

Grimper jusqu'à l'observatoire était aisé pour la demi-nymphe qui de son pas fluide et léger paraissait plus danser que marcher. Son humeur du jour était radieuse. Elle souriait du bout des lèvres sans la moindre raison et son cœur semblait déborder. De plus, elle allait assister à son tout premier cours de dracologie ce qui avait pour effet de l'exciter encore plus. Apprendre à mieux connaître et comprendre son nouveau compagnon était une réelle bénédiction, et puis il s'agissait d'un cours où il ne fallait pas se battre, car d'après son emploi du temps elle avait deux ou trois cours qui se tournait vers le combat à son plus grand désarrois. Elle s'engouffra dans la salle de sa démarche aérienne et salua timidement le professeur. Puis s'assit au premier rang, comme à son habitude afin de ne rien rater à cause de sa petite taille. La salle était assez grande, la lumière du jour illuminait et l'espace et laissait apercevoir un paysage époustouflant. Le professeur était une femme très belle mais aux airs autoritaires et hautains, et dont l'allure faisait plus penser à une princesse des temps anciens qu'à un professeur. Des gravures de dragons étaient accrochées de toutes parts et explicitait un peu plus encore les raisons de leur présence à l'observatoire.

Nydan sortit son œuf et le posa sur ses genoux. Celle-ci paraissait encore plus frêle lorsque son compagnon était près d'elle et visible. Elle attendit patiemment le début du cour, toujours souriante des milliers de questions tourbillonnants dans sa tête. Lorsque le professeur débuta son discours, Nydan sursauta. La voix puissante du professeur l'avait bien entendu surprise, mais la raison de son sursaut était tout autre, son ouïe fine avait perçu un feulement de douleur provenant du fond de la classe, comme si un chat sauvage s'était blessé. Elle se retourna discrètement et jeta un coup d'œil par dessus son épaule. Le son venait de l'élève d'Elwing qu'elle avait vu à la remise des œufs, mais aussi au cours de combat. Il semblait déranger par quelque chose, mais elle ne pouvait dire quoi. Elle se retourna et focalisa à nouveau son attention sur le cour de dracologie.

Ayant sortit sa plume préférée et un parchemin, elle prit vivement des notes, concentrée et évitant de penser à ce drôle de feulement que son camarade de classe avait laisser échapper. Puis le professeur leur posa une question. Nydan jeta quelques coups d'œils circulaires sur les œufs de ses voisins avant de revenir sur le sien. L'élève qui l'avait sauvée du cours de combat répondit prestement à la question du professeur. La demi-nymphe trouva sa réponse très intéressante, mais voulait ajouter quelque chose. Hésitante comme toujours à prendre la parole, elle finit par lever une main timide avant de lancer de sa petite voix:

- Je partage l'avis de Serinwë mais n'y aurait-il pas un autre facteur? La dragonnier et le dragon sont des êtres prédestinés, non? Leur couleur ne dépendrait-elle pas non plus de la personne à qui le dragon appartient?

Aussi vite qu'elle avait pris la parole Nydan se tût les joues légèrement roses et attendit les remarques du professeur ainsi que la suite du cour si passionnant.

Dans une chambre à coucher du dortoir des Alystrin, derrière l’épais rideau de velours qu’arborait la seule fenêtre de cette pièce, un garçon dormait encore, roulé en boule au milieu de d’un étroit lit. Soudain, des bruits de pas retentir dans un couloir adjacent, puis une souris entra dans la chambre, par-dessous la porte, pour aller mordiller gentiment une oreille pointue du garçon, laquelle pointait à peine au travers des draps pèles-mêles. Lentement, Nino releva la tête, et s’assit, prenant d’une main la souris. Puis il sentit quelque chose de dur à sa droite. Étonné, il releva les couvertures d’un coup, lesquelles allèrent choir sur le plancher. Il découvrit là un œuf, son œuf… Il l’avait complètement oublié. Il déposa la petite bête blanche sur son épaule et s’assit sur le rebord de son lit, centrant au milieu de son lit l’œuf pour empêcher qu’il ne tombe. Il prit ces affaires et sortit en pantalon, œuf sous le bras en quête de la salle des bains.



9h25. Nino sorti de sa chambre et se dirigea vers l’observatoire. En y arrivant, il découvrit une grande salle lumineuse richement décorée en gravures et en sculptures arborant de fiers dragons. Il avisa une place vide tout au fond de la classe et s’y installa, juste à coté d’un garçon au teint pâle. Il n’eut pas le temps de lui demander son nom que le professeur entama d’une voix forte le syllabus. Aussitôt, le garçon à coté de lui plaqua ses mains contre son crâne et émit un bruit s’apparentant aux félins. Surpris, Elenwë se tourna vers lui, mais ne dit rien, il était trop surpris pour pouvoir dire quoique ce soit. Le cours continua, puis au moment où chacun regardait l’œuf de son voisin, Nino profita du fait que son voisin n’avait plus les mains sur les oreilles pour lui souffler quelques mots à voix basse :

- Dit, est-ce que ça va ? Ou trouves-tu seulement les propos de l’enseignante si ennuyants ?

Puis le cours repris, écoutant le laïus d’une oreille distraite, Nino laissa aller son regard sur les autres œufs, ils étaient vraiment différents les uns des autres… Les voix floues des élèves vinrent se mêler à celle de la professeure, mais une en particulier vint le tirer de sa réflexion. Il avait reconnus, avec raison, la petite voix timide de Nydan Kedoa. Elle était assise plus en avant et probablement ne l’avait-elle pas vu. À son affirmation, il répondit :

- Oui, un peu comme un mélange reflétant la personnalité et les aspirations du dragon et de son dragonnier …