Nocturne [Professeur de Métamorphose]

Biographie :

« Ne sois pas triste, car après tout, nous mourrons pour mieux revenir. »

Le soleil s'éteignit sur un horizon triste et morne, et la jeune femme soupira. Elle venait de faire déjà des dizaines de kilomètres depuis qu'elle s'était enfuie de chez elle, mais savait parfaitement qu'il lui en restait au moins le même nombre, si ce n'était plus, avant d'atteindre Calurth'Alkar.
Calurth'Alkar, la cité des mille et une merveilles. Là-bas, disait-on, un simple voleur, ou même un très grand criminel, pouvait presque à coup sûr devenir une honnête personne à la tête de la ville. Enfin... C'était l'histoire du maire de la ville, celle-là; à la base truand, il était devenu, après avoir été pourchassé des années durant, multi-millionaire et à la tête de cette cité aux murs et maisons en marbre blanc.
La jeune femme décida de faire une petite pose. Elle avait mal aux pieds, ses doigts engourdis d'avoir subi continuellement le vent de la côte. Ses longs cheveux noirs, emmêlés et méconnaissables pour elle qui aimait tant en prendre soin, étaient désormais pleins de sel et ressemblaient plus à de la paille qu'à de vrais cheveux. Ses vêtements_ un reste de ce qui avait été une robe de velour vert clair avec de magnifiques broderies d'or, un vêtement tellement beau qu'il avait été forcément crée par des Elfes_ pendaient lamentablement en bande de tissus méconnaissables.
Quant à son visage, jadis si beau et si délicats, avec de charmantes pommettes et des yeux d'or rieurs, toujours très lumineux, son teint clair comme un pétale de lis blanc, et ses lèvres toujours peintes d'un légers rose délicat, était désormais creusé par la fatigue, la faim et le sel, omni présent dans ce vent froid d'hiver.
Elle s'assit sous un arbre noirâtre, rabougri comme s'il avait brûlé pendant des jours et des jours avant qu'en fait une pluie clémente, libération et promesse d'une fin enfin mérité, ne tombât sur lui, anéantissant à jamais la source de son agonie... et sa vie, par la même occasion, et posa sa main sur son tronc calciné. Elle en ressenti une peine immense, un dégoût profond de tout ce qui faisait la vie elle-même. Surprise, voire terrifiée, elle en retira vivement sa main. Aussitôt ce profond malaise se dissipa, lui laissant un goût amère.

Toi aussi, petit arbre, la vie ne t'a pas épargné, n'est-ce pas? C'est triste, je trouve... être là, et vivre parce que nous n'avons plus le choix... mais toi, tu as le droit de mourir, non?

Elle reposa sa main sur le tronc de l'arbre, et remarqua que l'amertume ressentie un peu plus tôt avait fait place à une sorte de résignation.

Je n'avais jamais parlé aux arbres avant, je n'ai pas ce pouvoir. Alors serais-tu une Dryade?

La jeune femme retira sa main du tronc, et cala son dos contre lui. Elle sentait la tristesse émaner de l'arbre aussi clairement qu'elle entendait les vagues se fracasser contre la falaise, au pied de cette dernière.

qui es-tu?

La jeune femme sursauta. Elle n'avait rien vu venir, et voilà maintenant qu'elle faisait face à un être étrange, fait d'ombres et de matières végétales; ses cheveux étaient un peu comme de très fines lianes, ses yeux deux abîmes d'ombre. Sa peau était un étrange mélange entre du bois noir et de l'ombre pure. La dame déglutit, tout de même un peu inquiète. Puis elle compris. Cette arbre n'était pas l'incarnation d'une dryade, mais d'une autre espèce, qu'elle ne connaissait pas du tout; l'enseignement qu'elle avait reçu durant toute son enfance se limitait pas mal aux créatures de Faëries et autres farfadets.
Tout ce qui touchait aux créatures démoniaques était prohibé, elle n'en connaissait donc ni les apparences, ni les dangers. En même temps, même si cet être était démoniaque, il ne paraissait pas le moins du monde agressif envers elle. Alors elle décida de lui répondre, de toute façon cela faisait tellement longtemps qu'elle n'avait pas échangé de simples mots avec quelqu'un que parler ne lui ferait pas d mal, même si c'était à une créature démoniaque, soi-disant maléfique.

Je suis Almareteh, Grande Prêtresse des Lunes. Enfin... j'étais. Mais c'est une longue histoire, et je n'ai pas forcément envie de la raconter pour le moment... alors ne m'en voulez pas... Et vous? Qui êtes-vous donc?

Je suis Gardënn, effectivement je suis l'incarnation de cet arbre, et je ne suis effectivement pas une dryade. Pourquoi m'as-tu adresser la parole? Habituellement, les gens comme toi, et plus particulièrement ceux de ton rang, ou équivalent à ton rang, passent leur chemin sans même me remarquer.

Almareteh passa sa main dans ses cheveux, quelque peu mal à l'aise. Enfin... essaya de la passer; ils étaient tellement salés qu'ils en étaient collés. Alors elle se résigna à la garder près du cors, et tant pis pour son tic de nervosité.

Je ne le sais pas vraiment... cela fait plusieurs jours, voire plusieurs semaines, que je marche sans rencontrer la moindre âme qui vive. Et puis... J'ai senti tes sentiments... cela m'a intriguée. Je n'avais jamais eu le pouvoir de m'adresser à la végétation. Alors...

Et alors quel est donc ton pouvoir, jeune demoiselle, si ce n'est pas indiscret?

La voix du fameux Gardënn était étrange, rauque et enrouée. C'était également entre un sifflement et un murmure, quelque chose de vraiment particulier.

Mon... pouvoir... C'est à cause de lui si j'ai dû partir aussi loin... Ce pouvoir maudit, qui me fait perdre tout ce en quoi j'avais toujours porté foi!

La colère à présent l'envahissait, et ses poings se serrèrent, ses phalanges blanchirent.

A cause de lui que...

Soudain elle se mit à pleurer à chaudes larmes, chose qu'elle s'était refusée de faire, pour ne pas s'avouer vaincue. Ne pas pleurer, c'était le signe de défi, la preuve que ce qu'elle faisait, elle le faisait de son plein gré, et non pas parce qu'elle y était obligée. Pleurer, c'était reconnaître qu'elle n'avait jamais rien voulu de tout cela. Elle aurait voulu continuer à exercer en tant que Grande Prêtresse Lunaire. Elle aurait voulu épouser Harren'Garg, avoir des enfants avec lui, comme le voulait la tradition. Elle aurait voulu enseigner à toutes ces jeunes filles les arts de guérison que son peuple chérissaient tant et tant. Elle aurait voulu...

Cela passera, ne t'en fait pas...

Gardënn s'était rapproché et avait posé l'un de ses doigts noueux sur l'épaule de la jeune fille, qui lui fut reconnaissante de ses mots.

Je suis... désolée. Je ne voulais pas pleurer, mais... je n'ai pas pu m'empêcher de penser à tout ça et... désolée...

L'être se rapprocha encore d'avantage, et esquissa ce qui pourrait ressembler à un sourire conciliant.

Tu m'as l'air fatiguée, Almareteh. Tu devrais te reposer un petit peu, tu ne penses pas? Ne t'en fais pas, je veillerais sur toi durant la nuit. Comme cela, nul ne pourra te nuire.

Almareteh eut envie de refuser son offre. Après tout, ils ne se connaissaient pas, et elle n'avait donc pas à lui imposer ce genre de service. Il devait, après tout, avoir d'autres choses à faire, et n'avait certainement pas à s'occuper d'une pauvre chose comme elle. Mais d'un autre côté, elle était vraiment fatiguée, n'ayant plus passée de vraies nuits à dormir entièrement; se réveillant au moindre bruit suspect, passant parfois de longues nuits blanches, pour ne pas se faire surprendre par d'éventuels voleurs. Ne pas allumer de feux pour ne pas se faire remarquer, guetter ceux qu'elles pouvait percevoir au loin. Alors oui, elle avait vraiment envie qu'il fît ce qu'il lui avait proposé. Cela lui permettrait de dormir un petit peu, enfin.

Si cela... ne vous gène pas...

Il y eut un bruit incongru, qu'Almareteh mit un peu de temps avant de qualifier de rire.

Je ne te l'aurais pas proposé, sinon. Tu sais, moi aussi je n'ai pas parlé à d'êtres vivants depuis bien longtemps... Cela me manquait. Juste pour cela je t'en suis reconnaissant. Et maintenant, tu ferais vraiment bien de dormir. Cela te fera le plus grand bien.

Merci...

_Ilka!!! Viens voir ta sœur, elle va enfin être intronisée!!! Il était temps!!! J'ai hate de voir ma petite fille habillée en Grande Prêtresse des Lunes!
La vieille dame souriait de toutes ses dents. Le vieil homme aussi, d'ailleurs. Ainsi que l'autre couples de personnes un peu moins âgés que ces premiers. Ses parents et ses grands-parents, impatients et si fiers d'elle. Elle, que rien ne prédisposait à prendre la tête des Sœurs de la Lune, allait être intronisée le soir même. Pile au moment où l'une des lunes, la plus ronde des trois, laisserait passer ses rayons argentés par l'orifice fait dans le plafond, réalisé justement pour cette occasion. Ses rayons, ainsi, frapperaient alors une sorte de grand miroir d'argent, et seraient réfléchis jusque sur un gros cristal blanc, à peine taillé. Et lorsque ce cristal serait illuminé on pourrait célébrer la cérémonie d'intronisation. Cérémonie qui demanderait, à son point culminant, à la Prêtresse de réaliser un sort de Lumière d'une puissance magistral, pour ainsi montrer qu'elle avait parfaitement le droit de prétendre à ce rang.
Almareteh n'avait pas vraiment à s'inquiéter de cette partie; elle maîtrisait très bien les arts de guérisons, qu'elle avait mis du temps à apprendre mais que finalement elle connaissait très bien.
La lune frappa enfin le grand miroir. Puis le cristal, qui se mit à luire. Et là, tout le monde retint son souffle. Allait-elle y arriver? Y parviendrait-elle?
Almareteh s'avança, confiante, et rassembla son énergie. Elle devait faire bien, pour faire en sorte que tout le monde fût fière d'elle.
Son énergie s'assembla. Et soudain, elle eut peur. Très peur. Elle, et tous ceux présents dans la salle. Ce n'était pas du tout de la magie de guérison, qui s'amoncelait, là. C'était une magie terrifiante, née pour détruire les âmes, et non pour les guérir. Elle essaya d'arrêter le sort, en vain. Il demeurait incontrôlable...

Almareteh se réveilla en sursaut et en sueur. Le jour était déjà très avancée, et le soleil était en passe de se coucher de nouveau.
La jeune femme se leva, inquiète. Elle ne voyait pas du tout Gardënn, il avait donc dû partir, occupé à autre chose. Ce dont elle s'était douté; après tout, pourquoi perdre son temps avec quelqu'un qui ne pouvait rien nous apporter?

As-tu bien dormi chère Almareteh?

Gardënn sortit de l'ombre de l'arbre et se pencha pour avoir son visage au même niveau que celui de la jeune femme, surprise de sa taille impressionnante.
Je croyais que tu étais parti... je ne te voyais plus...

L'être émit un rire étrange, ressemblant bizarrement à deux lames de métal que l'on frottait l'une sur l'autre. Ce n'était certes pas un son très agréable, mais aus oreilles d'Almareteh il apparut cmme le son le plus pur qu'elle eût entendu depuis longtemps déjà.

Je ne sais pas si je dois me vexer, chère Almareteh... Me soupçonnerais-tu de ne pas tenir mes promesses? Je n'ai que trop eu l'occasion de parler depuis longtemps déjà, et tu voudrais que je perde à jamais la seule personne qui m'a considéré sans crainte depuis plus de cent ans à présent?

Elle ne savait pas comment prendre ses dires mais peut-être qu'au fond, cela n'avait pas vraiment d'importance. Elle ne se sentait nullement menacée par cet être étrange, elle l'appréciait, même. Et puis n'avait-il pas veillé sur elle depuis tout ce temps?

C'est vrai... désolée si je t'ai froissé, ce n'était pas mon intention

Gardënn hocha la tête. La jeune femme ne savait pas trop quoi penser de lui. Il avait certes une apparence qui ressemblait un tout petit peu aux créatures malfaisantes donc on lui avait vaguement parlé quand elle était plus jeune, mais il ne semblait absolument pas belliqueux. Ou en tout cas, il ne lui voulait aucun mal. Et c'était très bien ainsi.

En tout cas... merci beaucoup... je vais reprendre ma route maintenant...

L'être pencha la tête sur le coté, intrigué.

Tu repars, déjà? Alors que tu tiens à peine debout?

La jeune femme hocha la tête. Elle devait continuer sa route, sinon elle n'allait jamais pouvoir repartir. En tout cas, pas dans son état de fatigue. Alors elle devait se forcer à continuer de marcher, jusqu'à arriver un jour Calurth'Alkar. Qu'importe si cela devait lui user le peu de forces qui lui restaient.

Je ne suis pas certain que ce soit un choix très judicieux... Tu vas mourir, si tu continues ainsi. Tu devrais attendre un peu. Vraiment

Je le sais, mais... je ne pense pas que ce soit intelligent pour moi de ne pas repartir de suite... Parce que de toute façon, je n'aurais aucune chance de survie si je reste par ici. Alors que si je me rends vers Calurth'Alkar, je pourrais peut-être tomber sur un endroit habité, qui voudra bien de moi un court instant...

Il y eut un moment de silence, pendant lequel les vagues, qui s'écrasaient continuellement contre les roches blanches et brunes de la falaise, semblaient avoir redoublé de puissance.

Alors laisse-moi t'accompagner. Au moins pour un temps. Comme cela, ni toi, ni moi ne seront seuls...

La surprise fut de taille, et Almareteh l'était tellement qu'elle en trébucha. Gardënn la rattrapa prestement, tout en lui indiquant de faire attention.

Merci bien. He bien... si tu le souhaite... je ne vois pas pourquoi je refuserai que tu m'accompagnes. Mais... tu n'es pas lié à cet arbre?

Je ne suis pas une Dryade, alors, contrairement à elles, je n'ai pas à rester auprès d'un arbre, puisque je ne fais qu'en prendre la forme, si je n'ai que cela à faire. Alors je peux venir avec toi, oui.

Almareteh esquissa un sourire, et commença à repartir.

Je dois quand même avouer que je suis contente que tu m'aies proposé de m'accompagner.

Gardënn hocha la tête, et rejoignit la jeune femme.

Je t'en prie. Au moins, je passerai moins de temps à m'ennuyer...


Quelques mois passèrent, pendant lesquels Almareteh et Gardënn ne cessèrent de marcher en direction de cette ville, que l'être qualifia rapidement de mythique. Ce qui ne les empêchaient pas d'interroger les quelques rares personnes qu'ils croisaient pour les interroger sur la localisation exacte de la fameuse ville, mais jamais personne n'arrivait à donner un lieu exact.
Mais ils n'étaient en rien découragés et continuaient inlassablement leur route.
Et puis un jour se profilèrent sur l'horizon de hauts murs blancs. Le coeur d'Almareteh s'emballa à leur vue. Elle comprit où ils se trouvaient et en fit par à son compagnon de route, devenu si cher à son coeur. Celui-ci hocha la tête.

Je crois bien que nous somme arrivés à destination... Mais je ne pourrais entrer ainsi...

Oui, c'est vrai...

Gardënn émit un de ses rires si particulier, et répliqua.

Mais ne t'en fais pas. Je ne compte pas te laisser seule ainsi, dans une telle ville...

Soudain Gardënn disparut, pour faire place à un homme, certes de grande taille et toujours aussi particulier, mais un homme. Pouvant se promener en ville, sans se faire remarquer.

On y va?

La ville était noire de monde, ce qui tranchait complètement avec les murs entièrement blancs de la cité. Les rues étaient pleines de marchands en tout genre, du vendeur de saucisses d'agneau à celui de sabres provenant soi-disant des soldats de l'Ordre, qui en auraient, a priori, fait don à ce marchand.
Les gens parlaient, plaisantaient, bousculaient, criaient; d'autres encore, pour présenter leur art ou vendre leurs objets, jouaient de la musique. Et tout cela résonnait dans une joyeuse cacophonie, qui agaça bien vite Gardënn, habitué aux silences des grands espaces sauvages.
Un jeune homme bouscula Almareteh puis, persuadé d'être dans son bon droit, réclama des excuses haut et fort à la jeune femme, sous prétexte qu'il était soldat sous les ordres du maire de cette ville. Gardënn eut tôt fait de lui faire comprendre qu'il n'avait pas à agir de la sorte et l'homme, terrifié, partit vite fait bien fait, sans demander son reste.

Mais dis-moi... que comptes-tu faire maintenant que nous sommes arrivés à destination?

Bienvenue Bipède !

Pardonne le délai de réponse, mais ta fiche est en ordre !
Je la valide donc et te souhaite de t'amuser parmi nous !

Bonne continuation !