Un cours difficile à digérer...

Le soleil commençait à peine à décliner sur l'horizon lorsqu'Årghann sortit prendre l'air.
Il avait l'impression d'étouffer parmi tous ces élèves, et les passages par des couloirs parfois bondés n'avaient rien arrangé à son malaise, loin de là, il était à la limite de l'oppression.
Il traversa rapidement le parc et se rendit au pied de son arbre préféré, où il se laissa choir.
Il avait complètement oublié ce que c'était, que d'étudier dans cette école; ou plutôt, il avait oublié qu'il y avait tant de monde. Par chance, il ne se laissait plus assaillir aussi facilement par ses visions. Elles se tenaient le plus souvent en retrait, comme des chats à l'affut de leur proie. Cette comparaison l'amusa deux secondes, le décrispant un petit peu. Il en profita pour sortir de son sac son oeuf, qu'il plaça juste à côté de lui. Puis lui-même s'allongea, essayant d'être à l'écoute de tout ce qui l'entourait.
Mais lorsque dix minutes furent passées, il dut admettre qu'il n'avait pas la concentration nécessaire pour; imvariablement ses pensées revenaient sur ses cours de la journée, et surtout sur celui d'un certain... professeur.
Årghann avait du mal à qualifier cet homme de professeur. De un, il avait l'air d'avoir tout juste 17 ans, même pas. Un enfant qui ne savait même pas jouer correctement avec sa magie, aimait-il à penser, bien que le cours lui eut prouvé le contraire. Il fallait dire aussi qu'il s'était quelque peu arrangé pour encore une fois se faire remarquer, en ne parvenant pas le moins du monde à faire ce qui était demandé sans que le professeur ne l'aiguillât. Il en était encore honteux, et sa frustration, à l'origine dirigée contre lui-même, avait changé de cible et se déversait naturellement sur l'image mentale d'un homme à la longue chevelure flamboyante.
De deux: La créature qu'avait amenée cette homme était vraiment... horripilante. L'Ombre ne savait pas en quoi précisément, mais il y avait quelque chose dans la présence de cet être qui l'agaçait profondément. Et qui le rebutait, aussi... D'un autre côté, la fameuse Etoile ne s'était pas gênée pour se glisser sans bruit derrière lui, lui faisant comprendre qu'il gaspillait son énergie.
Et pour finir, Mr Oscar était d'un tel "m'as-tu vu?" qu'Årghann le catalogua comme étant l'un des pires professeurs de l'école, sans même savoir comment pouvaient être les autres. En même temps, ce devait bien être le seul à tout faire pour se faire remarquer de la sorte.

Årghann rumina encore un moment, puis finit par laisser couler un peu ses pensées. Aussitôt des bribes de passé ou d'avenir des quelques élèves présents s'immiscèrent vicieusement dans son esprit, le tirant de son trop court moment de détente. Il s'assit, et entreprit de faire le vide, comme il avait fini par apprendre à le faire.
Il se détendit donc, respira de manière plus régulière, et rouvrit les yeux. Puis il s'abîma dans la contemplation de la coquille de l'oeuf de son futur compagnon. Une coquille sombre, veinée de lignes encore plus sombres, et cependant légèrement translucides. Il se sentit gagné par la plénitude, et en remercia intérieurement le futur Dragon.
Mais son second moment de détente fut rapidement brisé par une vision d'une force devenue plutôt rare.
C'était loin, très loin d'ici. Dans des contrées qui n'étaient guère habitées. Et il y avait une jeune fille, qui pleurait et qui hurlait. Elle avait perdu quelqu'un. Quelqu'un de cher...
L'Ombre dut faire de gros efforts pour revenir à la réalité, et cela l'épuisa plus que de raison; il avait quelque peu perdu l'habitude de se battre contre ce type de visions. Voilà ce qui arrivait lorsque l'on baissait sa garde.
Il ouvrit les yeux, et se rendit compte qu'il était à genoux. Si jamais quelqu'un était passé au moment où il avait eu cette vision, il devait avoir l'air bien... étrange. Årghann se redressa, et se rendit compte qu'il n'était plus le seul, ici. Devant lui se tenait une jeune fille blonde aux yeux émeraudes, et à l'expression impassible. Il la dévisagea, intrigué. Il l'avait déjà croisée à de nombreuses reprises, et elle se trouvait même au cours d'invocation. En attendant, elle l'avait sans nul doute vu se tordre plus ou moins et entendu gémir, puisqu'elle n'était personne d'autre que la jeune fille de sa vision. Et il en avait horriblement honte.

La journée avait quelque peu éprouvante, même Idril devait l’avouer. Les cours avaient recommencé le jour même et les professeurs n’y avaient pas été en douceur. La jeune fille était d’accord avec le fait que les élèves n’étaient pas là pour s’amuser, ni même pour paresser, mais elle devait le reconnaître, la journée avait été dense. Il y avait eu de nombreux cours, et pas des moindres, comme les techniques de vol et la draconologie. Et puis, il y avait eu ce cours, celui que l’Amazone avait décidé de prendre en choix complémentaire et qui avait eu l’air des plus intéressant : l’Invocation. Seulement, le professeur n’était pas vraiment comme Idril l’aurait souhaité. Et forcément, même si son cours paraissait excellent, elle ne pouvait s’empêcher d’avoir des préjugés. Oscar Sören de son appellation n’était pas le genre d’individu que la jeune femme aimait côtoyer, d’autant plus s’il était supposé avoir une certaine tenue, une certaine noblesse. Il lui avait fait mauvaise impression la veille et elle avait espéré ne pas avoir à subir sa présence, et pourtant, le fait était là : elle devrait supporter ses cours. Elle avait déjà entrepris de sécher les Cours de Combat l’année précédente, et cela n’avait pas été très apprécié par l’administration, alors elle ne comptait pas retenter l’expérience …

Idril avait besoin de prendre l’air, de s’aérer l’esprit et le corps. La journée s’était révélée quelque peu plus fatigante que prévu, et la jeune femme qui n’avait plus l’habitude de rester enfermée aussi longtemps sentait sa nuque la démanger et ses yeux piquer. Après le cours de Draconologie, quelque peu écourté par la professeur qui avait vu que ses élèves étaient exténués, l’Amazone s’était dirigé vers la Bibliothèque pour emprunter un livre sur l’Invocation. Elle n’était pas très douée pour tout ce qui relevait de l’esprit et de la magie, bien qu’elle s’améliorait au fil des mois qu’elle passait à Maelthra Magthere. Et les explications de l’étrange chose orangée ne l’avaient pas beaucoup aidé. Pourtant, elle pouvait se targuer d’être une très bonne élève, vive d’esprit et attentive, mais le cours avait été des plus laborieux. Plan d’existence, plan primaire, Ancrage et Voile … Tout cela était encore confus et Idril espérait pouvoir mieux comprendre la subtilité de l’enseignement grâce au manuscrit qu’elle avait emprunté, car il était inconcevable de se laisser submerger dès le premier cours. Après avoir fait un petit détour par le réfectoire pour y prendre un fruit, Idril traversa les couloirs d’un pas déterminé, une pomme dans une main, un livre dans l’autre et un œuf toujours caché dans sa sacoche qu’elle portait en bandoulière, pour gagner le hall et sortir du château.

Une légère brise, douce mais rafraîchissante, soufflait allégrement, se permettant de décoiffer la chevelure blonde de la princesse, présentement relevée en un chignon peu élaboré. Elle descendit promptement les escaliers extérieurs et se retrouva rapidement sur la pelouse des jardins, humant l’odeur de l’herbe fraîchement coupée. Elle continua son avancée jusqu’au parc, où elle espérait être tranquille pour parcourir son acquisition. Elle vagabonda un temps, cherchant un coin paisible pour étudier, se hâtant quand même, le soleil déclinant déjà. Mais à peine eut elle aperçu l’endroit idéal qu’elle entendit à proximité des gémissements sonores. Sourcils froncés, elle se retourna avec fougue et chercha du regard la provenance des râles. Ses prunelles d’émeraude tombèrent sur un élève de seconde année, un Kiah’l qui plus est, agenouillé et secoué par des spasmes légers. Alors qu’elle fit un pas dans sa direction pour lui porter soutien, celui qu’elle devinait être un Ombre se redressa et la dévisagea, perplexe. Fronçant à nouveau les sourcils, sans autre manifestation expressive, Idril le regarda quelques secondes avant de lui demander poliment :

« Besoin d’un peu d’aide ? »

S'il avait besoin d'aide? Elle lui demandait s'il avait besoin d'aide? He bien... dur à dire. Disons que non, il n'en avait pas besoin. Nul n'avait pu l'aider pour ce genre de problème, il ignorait si d'autres personnes avait ce même problème. A vrai dire il s'en moquait. Comme il se moquait de la jeune fille face à lui, en fait. Du moins, il aurait aimé s'en moquer, comme de toutes les autres personnes; faire comme s'il n'y avait personne, passer son chemin, et repartir, son oeuf dans les bras. C'aurait été tellement plus... conventionnel, pour lui... Oui, mais voilà. Il n'y arrivait pas. Pour une raison qu'il ignorait, et qui commençait d'ailleurs à singulièrement l'agacer, il n'arrivait pas à se décider à lui tourner le dos. Peut-être était-ce à cause du fait qu'elle n'éprouvait pas d'émotions en particulier; elle l'avait vu dans son moment de faiblesse, mais ne semblait pas prise de pitié ou de compassion. Heureusement, d'ailleurs, parce que là il ne se serait pas gêné pour la laisser en plan.

"_Non, merci. Tout va bien."

Il dévisagea encore un peu la jeune fille, une Amazone nordique, apparemment.
D'après ce qu'il savait, le seul peuple avec lequel les Ombres entretenaient de bonnes relations étaient les Amazones Nordiques. Årghann ne savait pas si c'était vrai, et à vrai dire il s'en moquait un peu. Les relations entre les peuples n'étaient pas ce en quoi il croyait le plus; de toute façon l'être humanoïde pensant était bien trop faible pour pouvoir garder une alliance sans vouloir constamment retourner sa veste à tout bout de champ. Quoiqu'il paraissait que les Amazones ne supportaient pas la trahison, et qu'elles étaient plutôt loyales. Ce qui, à son humble avis, restait à voir...

"_Que fais-tu là, au juste?"

Årghann aurait aimé prendre un ton plus glacial, histoire de la faire partir. Mais en réalité, il ne savait pas ce qu'il voulait, et cela l'agaçait. Il aurait aimé être seul avec son oeuf, comme toujours. Mais il ne voulait pas non plus qu'elle partît comme cela... Bizarre. Il était peut-être d'humeur à tolérer une personne à ses côtés pour le moment.
Puis il aperçut le livre qu'elle tenait entre ses mains. Un livre sur l'Invocation Alors comme cela elle n'avait pas compris ce qu'avait raconté ce professeur? Ou bien elle souhaitait juste approfondir ses connaissances sur le sujet. De toutes façons cela ne lui importait pas. D'un autre côté il opta pour la première hypothèse, vu sa réaction au banquet à la vue du professeur concerné! Mais il n'était pas là pour émettre des hypothèses sans fondements, elles ne servaient de toutes façons à rien du tout.
Finalement l'Ombre s'assit dans l'herbe et attendit la réaction de l'Amazone dont, au final, il ne connaissait même pas le nom. Il y avait plusieurs possibilités à présent; soit elle partait, parce qu'il n'avait pas pris la peine de l'inviter à s'assoir; soit elle ne se gênait pas; soit... Il n'avait pas la moindre idées des autres réactions possibles. De toutes façons cette fille ne rentrerait sûrement pas dans un schéma aussi simpliste; avoir une telle maîtrise de ses émotions, et Årghann en était conscient, était vraiment énorme pour son âge qui ne devait même pas être très éloigné du sien, alors que certaines personnes mettaient une vie entière pour y parvenir. Cela dénotait d'une grande puissance mentale et d'un fort potentiel, quel qu'il soit. Ce qui, malgré tout, impressionna l'Ombre, qui était finalement impatient de connaître sa réaction.

Le jeune homme s’était redressé davantage pour répondre à la demande polie de celle qui lui faisait face. Idril n’était pas du genre à se préoccuper du sort de son prochain, mais elle aimait se poser en justicière, en sauveuse potentielle. Sans doute l’expression de sa fierté naturelle. Le Kiah’l refusa tout aussi courtoisement son aide, mais son ton était loin d’être amical. Pas franchement glacial, mais assez pour que l’Amazone se doute de l’animosité de ses propos. Elle fronça davantage les sourcils et s’apprêta à rebrousser chemin en haussant les épaules, mais la voix de l’Ombre s’éleva à nouveau. Bien que son timbre était froid, il semblait intrigué par la présence de la jeune femme. Il paraissait froissé d’avoir été découvert en fâcheuse posture et donnait à son comportement une dimension antipathique pour congédier son interlocutrice, tandis que dans le même temps, il semblait s’intéresser à elle d’une étrange façon. Son ton ne plut guère à Idril. Elle lui décocha un regard noir et pendant qu’il partait s’asseoir à quelques mètres, elle répliqua d’une voix cinglante :

« Je pourrais te poser la même question.

Elle le jaugea d’un regard hautain pendant quelques secondes. Il n’était certes pas très impressionnant, mais ses traits étaient fins et gracieux. Il disposait d’une beauté particulière, propre à ceux de son espèce, ce qui rappela à la princesse son ami Morzan. Elle lui avait fait la promesse de devenir plus forte, plus puissante afin de protéger son royaume. Allait-il finir par la rejoindre ? Elle l’espérait. Il lui manquait terriblement et elle aurait aimé pouvoir sentir sa présence protectrice près d’elle. Elle remarqua que l’élève de la maison Kiah’l observait à présent le manuscrit qu’elle tenait entre ses mains. Son visage quelque peu radouci – sans doute grâce à la ressemblance qui liait cet inconnu et le prince des Ombres – Idril leva son bras chargé du livre en avant et posa ses yeux sur la reliure, comme pour se souvenir à quoi il pouvait bien servir. D’une voix plus calme, elle consentit à expliquer la raison de sa présence dans le parc sans détacher son regard d’émeraude du manuscrit emprunté plus tôt.

- J’avais l’intention de profiter de la douceur de la soirée pour m’instruire davantage sur les techniques d’invocation. On ne peut pas dire que Monsieur Sören soit très pédagogue. »

Elle avait formulé la dernière sentence d’une voix méprisante et tranchante. Elle n’aimait pas le rouquin hyperactif qui leur servait de professeur, et ce, dès la Cérémonie de Bienvenue. Elle détestait ce genre d’énergumène, même si elle était disposée à reconnaître qu’il était certainement très instruit sur sa matière. Son cours promettait d’être des plus intéressant, mais la princesse nordique n’appréciait pas du tout les méthodes qu’il employait pour transmettre son savoir. Idril, qui se targuait d’être intelligente et studieuse, avait eu parfois des difficultés à saisir la subtilité de son enseignement. Observant l’Ombre qui était assis non loin de là, elle estima qu’il ne devait pas être du genre loquace. Après tout, ce n’était pas une mauvaise chose puisqu’Idril ne l’était guère non plus et qu’elle avait des choses plus importantes à faire. Elle attendit néanmoins la réaction du jeune homme, par politesse. Elle esquissa quand même un pas sur le côté, lent et mesuré. Si son interlocuteur ne daignait pas continuer la conversation, elle s’en irait le plus simplement du monde. Passer son chemin était une habitude qu’elle avait prise pour ne pas perdre de temps inutilement. Mais si au contraire, il se montrait plus avenant, peut être concèderait-elle à échanger quelques paroles. Ils étaient de la même maison après tout.

Décidément, cette Amazone l'intriguait de plus en plus. Elle n'avait pas continué sa route, "vaincue" par l'antipathie de l'Ombre. Antipathie qui, pour le coup, se mua en une curiosité certaine.

Je pourrais te poser la même question.

Le ton de l'Amazone le surprit d'autant plus qu'il ne s'attendait pas du tout à cette réaction; effectivement, la faire entrer dans des schémas classiques était une idée quelque peu... saugrenue. Il haussa un sourcil. Elle avait une façon de l'observer qui le perturbait quelque peu, comme si elle farfouillait dans sa mémoire... Mémoire qu'il pouvait, s'il le voulait, découvrir presque à sa guise, même si ce serait sans doute difficile avec cette fille. De toute façon, il n'en voyait pas du tout l'utilité pour le moment. Il replongea deux minutes dans ses pensées, que la jeune fille interrompit en lui parlant du cours d'invocation.
Ah! le cours d'invocation... Rien que d'y penser, Årghann en était presque retourné. Effectivement, Oscar devait bien être le pire professeur que la Création eût engendré, et il n'était d'ailleurs pas loin de penser qu'Oscar ne changerait pour rien au monde, quand bien même des dizaines d'élèves iraient se plaindre allègrement à lui.
Il se rendit compte que l'Amazone, sans doute exaspérée de devoir attendre qu'il se manifestât enfin de nouveau, semblait vouloir partir. Alors il enchaîna:

"_Ce professeur m'agace. Il parle trop. Et bouge trop. Il est trop... trop là. Il fait trop de choses inutiles, à vrai dire..."

Puis il leva la tête et plongea son regard dans celui de l'Amazone. Il désirait voir si elle allait tressaillir, comme la plupart des autres personnes, qu'une telle pratique dérangeait quelque peu.

"_Tu es une Kiah'l, non? Je ne me rappelle plus de ton prénom."

Une manière comme une autre de lui demander son identité. Mais Årghann n'avait jamais été réputé pour sa grande sociabilité et donc son immense capacité à faire connaissance avec quelqu'un.
Attendant la réponse de l'Amazone il sortit son cahier de cours d'Invocaton, l'ouvrit et désespéra de ne trouver que quelques notes éparses. Il allait avoir du mal à garder le rythme dans cette matière, c'était certain. Peut-être ferait-il bien, lui aussi, d'aller à la bibliothèque histoire de s'instruire un peu... Ce qu'il repoussa à plus tard; pour l'instant, il avait mieux à faire: par exemple, dessiner un Troll à moitié déchiqueté par les crocs d'un Dragon enragé d'avoir vu ses petits massacrés, ou alors d'essayer de parler un peu avec cette fille dont il ne parvenait pas à cerner la personnalité, ce qui donc l'intéressait plus que ce qu'il avait pu penser...

Lorsque la princesse du nord évoqua le professeur d’invocation, la mine du jeune homme qui lui faisait face se renfrogna, comme s’il se remémorait un mauvais souvenir. Idril se souvint alors que ce garçon n’était pas placé très loin d’elle à la Cérémonie d’accueil et qu’il avait fait une mine affreuse en voyant débarquer le rouquin hyperactif, tout comme elle. Elle avait oublié ce détail jusqu’à ce que l’Ombre adopte une mimique similaire à celle qu’il avait faite au banquet. Il fallait bien avouer que Oscar Sören était plutôt cauchemardesque pour tout ceux qui aimaient le calme et la tranquillité. Les propos de la jeune femme ne déclenchant manifestement rien de plus qu’un air renfrogné, celle-ci décida de faire un pas sur le côté, comme pour partir lentement mais sûrement. L’élève Kiah’l s’en rendit compte et répondit à son interlocutrice en expliquant son animosité contre le professeur précédemment mentionné. Puis, il reporta son attention sur l’amazone restée debout et plongea son regard dans le sien. Les pupilles d’émeraudes de la jeune femme se plissèrent, mais ne se détournèrent pas. Idril soutint le regard de l’Ombre un bon moment. Elle n’était pas du genre à se laisser impressionner mais elle devait reconnaître qu’un certain malaise s’était immiscé en elle. Le garçon qui la regardait avait quelque chose de dérangeant mais elle n’arrivait pas à savoir quoi. Lentement, elle prononça quelques mots pour lui répondre, sans toutefois baisser les yeux.

« Superflu et Superficiel pourraient être des qualificatifs appropriés …

Finalement, le jeune homme finit par lui demander son nom, avant de détourner son attention et de sortir un cahier, peut être celui du cours d’invocation. Idril se demanda si son interlocuteur était vraiment intéressé par son identité, ou s’il ne le lui avait demandé que par politesse, au regard de son comportement détaché et nonchalant. Elle fronça les sourcils à nouveau et le regarda griffonner quelque chose sur son cahier. Etait-il véritablement impoli ou ne savait-il pas comment si prendre pour être un minimum civilisé ? La jeune femme posa un poing sur sa taille – poing tenant toujours fermement son manuscrit – et répondit assez sèchement au garçon, signe de son impatience.

- Effectivement, je suis de la maison Kiah’l et je me nomme Idril. Je te retournerais bien la question, mais j’ai comme qui dirait l’impression que tu te fiches bien de ce que je peux dire ou demander. Le plus simple, je crois, c’est de te laisser à tes occupations. Je te prie de m’excuser si je t’ai dérangé. »

Elle s’inclina doucement et esquiva à nouveau un pas lent et mesuré comme pour s’éloigner, mais aussi pour rester assez près du garçon si jamais il la retenait. Mais Idril se doutait qu’il ne retiendrait pas, vu son comportement à son égard. Quoique, cet Ombre avait l’air des plus étranges et son attitude serait peut être contraire avec les anticipations de l’Amazone.

Elle soutint son regard.
Il n'avait pas d'autres choses à noter pour le moment, si ce n'était qu'elle le surprenait de plus en plus; il savait que son regard perturbait un peu les gens, hors elle n'avait même pas cillé.


Superflu et Superficiel pourraient être des qualificatifs appropriés …

Il l'écoutait, même s'il n'en donnait pas l'impression. En tout cas, il était d'accord avec elle. Et fut surpris par sa réaction lorsqu'elle lui répondit sèchement. Après tout, il avait fait, pour l'une des rares fois dans sa vie, preuve de politesse. Mais peut-être qu'il s'y était mal pris, de toute façon il ne pouvait pas corriger son erreur, si erreur il y avait. Oh, bien spur, il ppouvait toujours présenter des excuses, mais d'une part ce n'était pas son genre, d'autre part il ne connaissait pas ses tord éventuels. Alors il décida de ne pas prendre en compte plus que nécessaire le fait qu'elle fît mine de partir, mais répondit tout de même.

Je suis Årghann, élève de la mainson Kial'h moi aussi. Et non, tu ne me déranges pas. A moins que tu ne préfères partir, auquel cas je ne te retiendrai pas. C'est à toi de voir.

Son ton était calme, posé, et son expression relativement impassible. Il avait juste reporté toute son attention sur la jeune Amazone et la dévisageait comme précédemment. Il ne savait pas trop quoi attendre comme réaction. Elle avait l'air fière, un tantitent susceptible. Peut-être aussi parce qu'il ne savait pas s'adresser aux gens. Mais en même temps, il n'avait pas à adopter son comportement à celui des personnes qui l'entouraient. Sauf si, bien sûr, son comportement lui attirait trop d'ennuis. Ce qui n'était généralement pas le cas, alors...

J'ai une question. Il me semble que tu t'en es plutôt bien sortie en cours d'invocation. Pourrais-tu, je te prie, m'expliquer comment as-tu réussi à invoquer ce gnome? Je n'ai absolument pas compris ce qu'a dit ce simulacre de professeur.

Il ne savait pas pourquoi il lui avait demandé cela, lui qui travaillaitr toujours seul. Sans doute parce qu'il ne voulait pas accumuler de grosses lacunes, comme il l'avait fait l'année passée. Ce devait être le principal moteur de cette demande si... incongrue de sa part.

Enfin... Si cela ne te dérange pas, naturellement. Parce que je pense que tu as aussi de nombreuses choses à faire. Alors... c'est à toi de voir.

Il espérait, par ces dernières paroles, de faire ressortir le fait que cette demoiselle lui était totalement indifférente. Il jugea néanmoins sa tentative complètement ratée, et espéra simplement qu'elle accéderait tout de même à sa requête, histoire de le tirer un peu de la misère dans laquelle il s'était engouffré en ne suivant pas le cours d'Invocation de la matinée.

[Désolée pour le retard x_x ]


En définitive, ce garçon était surprenant et ne rentrait dans aucun schéma classique de comportement. Si son attitude laissait supposer que la présence d’Idril le dérangeait, ses paroles étaient en complète contradiction avec le reste. Aussi, lorsque la princesse nordique estima qu’il était préférable de partir, il la retint en quelque sorte. Il commença par se présenter et bien que les deux élèves étaient de la même maison depuis une année, son identité ne rappela rien à Idril. Il était du genre discret et à ne pas traîner avec le reste de ses camarades. Somme toute, il ne devait pas exceller en classe car la jeune femme l’aurait sûrement repéré. Un garçon effacé sans doute. Puis, il posa une question qui décontenança l’Amazone qui ne s’attendait pas une telle demande. Elle passa sa main devant son visage pour écarter une mèche de cheveux dorés qui la gênait, puis posa son poing libre sur sa hanche, prenant une pose décidée. Elle regarda attentivement le jeune homme et inspira légèrement avec de lui répondre plus doucement que précédemment :

« Je pense que j’ai eu beaucoup de chance aujourd’hui, car les explications de Monsieur Sören ne m’ont pas semblé très claires. D’après ce que j’ai pu comprendre, il existe des mondes parallèles, protégés par des espèces de barrières. Des voiles. Il faut parvenir à percer ce voile, tout en fixant son esprit sur la chose qu’on veut appeler, pour parvenir à invoquer.

Son dialogue était ponctué de gestes, comme si elle voulait que son interlocuteur comprenne mieux le sens de ses propos. Elle avait quelque part l’occasion de montrer que son intelligence et sa capacité de réflexion étaient supérieures à la moyenne, et ce, plutôt inconsciemment. Elle aimait prouver qu’elle était douée et ce fut sans doute la raison qui la poussa à venir en aide à Årghann. Elle vint s’asseoir à ses côtés et feuilleta le manuel qu’elle avait emprunté puis s’arrêta sur une page précise qu’elle regarda quelques secondes avant de la montrer à son interlocuteur.

- Je crois que c’est une version schématisée des explications du professeur.

Elle confia le livre au l’élève de sa maison puis chercha quelque chose dans sa sacoche, en profitant au passage pour caresser l’œuf qui y était blotti. Elle était si impatiente de voir son œuf éclore. Elle sortit enfin une feuille et la lut avec attention, avant de la tendre à l’Ombre.

- Tu as regardé le devoir que nous devons remettre pour la semaine prochaine ? Les questions sont loin d’être aisées. Nous allons devoir faire des recherches, à mon avis … »

Årghann hocha la tête à l'exposé d'Idril. Effectivement leur professeur hyper coloré leur avait parlé de voile, il s'en rappelait à présent. Mais fallait-il être concentré sur à la fois la créature, et à la fois le voile? D'autant plus qu'il avait un soucis supplémentaire appelé "souvenir". Ces pensées parasites qui avait tendance à se mêler aux siens et qui, selon leur intensité et leur violence, avaient la fâcheuse manie de dégrader de façon considérable son humeur...

J'avoue que tu as plutôt bien retenu la leçon, toi. Personnellement, j' n'ai tellement pas compris que... bref.

L'Ombre se tut subitement, n'ayant plus envie de faire la conversation pour le moment. Ce qu'il désirait avant tout, c'était comprendre ce cours qui lui avait paru des plus obscurs.
Puis Idril lui présenta son manuel, enfin une page de celui-ci, où se trouvait un schéma un peu plus simple à comprendre que les explications denses et complexes de Monsieur Sören.
Il observa un temps le schéma, prit la peine de le noter dans son cahier, histoire de s'y référer lorsqu'il aurait besoin de réviser, puis rendit l'ouvrage à sa camarade, qu'il vit farfouiller dans son sac à la recherche d'il ne savait quoi.
Il comprit lorsqu'elle sortit la feuille apparemment désirée et parla du devoir d'Invocation. Il soupira.
L'Ombre avait presque oublié que leur professeur leur avait donné un devoir, qui n'était en plus pas des plus simples. Les questions n'étaient pas en très grand nombre, comme d'autres enseignants aimait le faire, mais elles demandaient parfois énormément de rédactions, l'une des choses dans lesquelles Årghann était loin d'exceller.
Il prit son propre sujet, le parcourut plusieurs fois des yeux, avant d'annoncer, de but en blanc:

Je crois que l'on peut donner le [i)vrai nom de la créature[/i], en réponse à la question six. Mais pour les autres...

De nouveau l'Ombre soupira. Comme le disait l'élève de sa maison, il allait falloir passer du temps dans des vieux livres pour essayer de ne serait-ce qu'avoir un élément de réponse. Et il allait aussi falloir utiliser son esprit.

Je crois que je vais aller à la bibliothèque. Autant entamer ce devoir maintenant. Je ne veux pas prendre le risque de me mettre trop en retard, cette année.

Il prit délicatement son oeuf, qu'il remit dans son sac, et se leva, prêt à repartir.

Je vais la bibliothèque. Si tu veux également venir... à toi de voir

Il préféra attendre d'abord sa réponse, histoire de ne pas partir brutalement; pour une fois qu'il faisait montre d'un peu de politesse, autant aller jusqu'au bout...