Un long voyage depuis l'hiver primordial... [Pv Caprice]

Le voyage avait été long, oui, comme elle l'avait dit dans sa lettre. Elle était partie de chez elle il y a des semaines, mais ce n'avait pas été suffisant pour arriver jusqu'à l'école à temps, plus lointaine qu'elle l'avait supposé. Tandis qu'elle voyageait à dos de Gründ, sa créature d'hiver, elle se remémorait les fresques de son royaume.

Ses longues vallées embrumées, ses longues routes, ses vastes champs recouverts de neige... Et les arbres qui même sous la tempête et le froid produisaient fruits et fleurs originaires de son pays. Il lui manquait à la vérité, mais le monde qu'elle visitait à présent était lui aussi intéressant et pleins de choses à découvrir, bien qu'elle avait son soleil en horreur. Ce n'était pas qu'il lui faisait mal ou qu'il la brûlait, elle n'était après tout pas l'un de ces vampires dont la peau était impossible à exposer à la moindre lumière ! Un soleil existait aussi chez elle, le même que ceux qui vivent derrière les montagnes qui bordent son pays, mais l'astre semblait détester les Gens de sa cité, et restait protégé derrière de gros nuages lorsqu'il venait leur apporter la journée qu'ils appréciaient guère.

Elora arriva jusqu'aux murs du château un peu avant midi, vers onze heure du matin. Les élèves étaient normalement déjà plongés dans leurs cours, surtout à cette heure-ci, mais la nordique n'avait de toute façon pas l'intention d'aller étudier aujourd'hui. Avant toute chose, c'était un rituel inévitable, il fallait qu'elle observe et juge les lieux.

D'abord, elle jaugea les murailles qui entouraient l'entrée et l'ensemble de la bâtisse, sans doute ses jardins et ses autres espaces privés. Elle regardait l'état de chaque chose comme si l'école allait être prise d'assaut ou assiégée le lendemain, avec des yeux de faucon. Habituée qu'elle était à vivre dans une forteresse imprenable, c'était tout naturel chez elle de regarder si l'endroit où elle allait vivre était à priori un endroit sûr, explorer les possibilités, réfléchir à ce qui pourrait se passer compte tenu de ce qu'elle avait sous les yeux. Elora fut heureuse de constater que le château semblait plus ou moins bien protégé.

Elle passa enfin la grille ; un léger frisson lui parcourut l'échine. Elle sentit qu'une nouvelle étape de sa jeune vie commençait sur ces sols, et la nordique prit goût à cette peur de l'inconnu, commençant à marcher dans l'allée qui menait au château. Or elle n'y alla pas tout de suite. Elle alla tout d'abord se promener près du lac, des jardins, de la volière... Elle vit là les dragons les uns avec les autres, et cela lui rappela d'un coup la tête du dragon Gardien qui avait régné sur sa cité depuis sa naissance. Elle n'aimait guère se souvenir de cette créature... Et passa bien vite son chemin.

C'était ta volonté, Mère, c'était ta volonté... Je ne l'oublie pas...

Une fois entrée à l'intérieur, elle jaugea chaque salle où elle pouvait rentrer sans craindre de déranger un cours, chaque pièce susceptible de l'éclairer sur ces lieux nouveaux... Lorsqu'elle tomba nez à nez à une porte où était marqué sur un bel écriteau doré : « Bureau des Fondateurs » Elle s'arrêta machinalement, et sortit de son manteau une lettre scellée que sa mère lui avait confié avant de partir, à l'intention de Caprice, son ancienne amie. La nordique ignorait ce qu'elle contenait, mais elle le découvrirait sans doute incessament sous peu.

Dans un geste lent, Elora posa ses longs doigts fins sur la porte de bois massif, hésitante. Saurait-elle reconnaître la fondatrice qui fut sa nourrice ? Elle espéra ne pas se tromper avec quelqu'un d'autre, et poussa la lourde porte, s'introduisant dans le grand bureau.

Quelle fut sa surprise de voir que sa mémoire n'était finalement pas si trouble...

Elora s'engouffra dans la pièce sans attendre de réponse ; la dame en face d'elle ne semblait de toute façon pas encore prête à lui en donner une. Elle sentit son anxiété, elle sentit toute la tension qu'elle éprouvait, et se doutait bien d'être son origine. Si la nordique se rappelait à peine de l'époque où elle avait été gardée, sa mère lui avait assuré avant son départ que Caprice n'aurait pu oublier le visage de l'enfant. Elle vit tout d'abord la fondatrice la scruter de bas en haut, lorsqu'elle fut entièrement rentrée dans la pièce, évaluant sa taille – bien celle des gens de son pays – et s'arrêter sur les traits de son visage : Celui de sa mère, assurément. La dame prononça son nom dans un souffle, mais Elora ne répondit pas, inclinant seulement légèrement la tête, sans toutefois baisser les yeux, en guise de salut respectueux.

Inconsciement, elle se remémorait des choses qu'elle avait enfouies, pour on ne sait quelle raison. Sûre à présent de reconnaître -même très vaguement – ces longs cheveux blancs, ces grands yeux clairs, cette peau de marbre, ce sourire optimiste... Si Caprice avait été très attentive, elle aurait pu voir les lèvres de la jeune fille s'étirer en regardant ses souvenirs flous.

Caprice choisit de la saluer dignement, formellement plutôt.

- Merci pour cet accueil...

Elle hésita.

- Fondatrice.

Lorsqu'elle s'approcha d'elle, le regard attendri, Elora resta à sa place, sans faire le moindre mouvement. La nordique la scruta de haut en bas, tentant de décrypter quelques lointaines visions. Caprice posa la main sur son bras en signe de reconnaissance et d'amitié, sans doute malgré tout un peu choqué par le changement de taille de la Jeune fille. Elle la depassait maintenant d'une bonne tête – généreusement. Encore légèrement mal à l'aise, la nordique décida de couper court au long regard plein d'anciens souvenirs que lui lançait Caprice.

- Je m'excuse de ce retard. Vous devez vous souvenir que mon royaume est bien loin d'ici, j'avoue avoir mal calculé mon départ. Y a t-il des choses que je doive faire avant de commencer ?